La moitié des pays arabes sont situés en Asie, d'où l'intérêt de reprendre les grandes routes du monde ancien pour bâtir une nouvelle relation avec le continent le plus peuplé et le plus innovant de la planète. Koweït De notre envoyé spécial Le thème est inédit : «Les Arabes se dirigent vers l'Est» L'Est ? L'insondable monde asiatique. Le Koweït, qui se trouve en Asie, est presque en poste avancé devant le continent qui fait l'actualité du monde moderne. Koweït City abrite, depuis lundi, une conférence internationale organisée par la revue phare de l'univers intellectuel arabe, , à l'hôtel Sheraton. La revue, qui va bientôt avoir une version anglaise, a fêté en décembre dernier ses 58 ans d'existence et a publié un livre volumineux, L'Asie aux yeux des Arabes, contenant une série de reportages sur le continent. Des écrivains, chercheurs, philosophes, universitaires, journalistes, hommes de lettres et penseurs d'une vingtaine de pays ont été invités à débattre d'une thématique qui explore un champ jusque-là délaissé. Le regard des Arabes était pendant longtemps rivé sur l'Occident, en fait une partie de l'Europe et l'Amérique du Nord. Les choses commencent à changer. Ahmed Al Abdallah Al Ahmed Al Sobah, ministre du Pétrole et de l'Information, a rappelé que le Koweït a des relations historiques avec l'Asie. Selon lui, discuter de cette question aujourd'hui ne répond pas à un souci conjoncturel. Il a souligné que la plupart des institutions officielles du pays sont dotées d'un département qui s'occupe de l'Asie. «L'Etat n'a pas ignoré la communauté asiatique qui vit dans le pays. Il lui a offert les moyens d'assurer sa santé, son éducation, mais également de pratiquer sa religion et ses cultures. Aujourd'hui, les médias s'adressent à elle en usant des différentes langues de cette communauté», a-t-il noté. Le règlement des problèmes se fait, d'après lui, dans un dialogue rationnel qui proscrit la violence. Sur les 2 600 000 habitants du Koweït, 43% sont d'origine asiatique (Philippins, Indiens, Pakistanais, Bengalis). Ahmed Al Abdallah Al Ahmed Al Sobah n'a pas manqué de souligner «la renaissance technologique» en Asie et ses croissances économiques. «Sur la carte du monde, le continent est devenu une force influente», a-t-il déclaré. Il a cité l'organisation par la Corée du Sud du sommet du G20 en automne 2010. «Ce sommet a annoncé un nouvel ordre économique», a-t-il dit. Le développement rapide du tourisme et de la culture en Asie est, d'après lui, pourvoyeur de nouvelles richesses pour cette région de la planète. «La moitié du monde arabe se trouve en Asie. Aussi, il doit désormais avoir des relations plus puissantes sur les plans commercial, culturel et politique. Nous devons reprendre les routes qui avaient précédé les anciennes civilisations», a observé le ministre. Il a relevé le rôle de trait d'union joué par la région arabe entre l'Asie et l'Europe. Les hubs aéroportuaires de Doha, Dubaï, Manama, Abu Dhabi et Koweït en sont la parfaite illustration. Souleimane Ibrahim Al Askari, rédacteur en chef de la revue Al Arabi, a, pour sa part, estimé qu'il faut poursuivre l'œuvre des ancêtres arabes, voyageurs, géographes, commerçants et étudiants, en reprenant la direction de l'Est. «Cet Est qui, comme toujours, est porteur de graines du bien et des racines du progrès», a-t-il noté. Il a rappelé qu'avant la découverte du pétrole, les Koweitiens avaient réussi à ouvrir 300 représentations commerciales en Inde pour plonger dans les profondeurs asiatiques. «Aujourd'hui, les investissements en Asie ont doublé dans les secteurs de l'énergie, du foncier, de l'agriculture, des infrastructures et des finances», a-t-il précisé faisant un véritable plaidoyer pour l'investissement culturel. Le Koweït aspire, selon lui, a établir une coopération culturelle de haut niveau avec les pays asiatiques. «Cela leur permettra de dialoguer avec nous et nous comprendre», a-t-il analysé. Les institutions qui ont contribué à approfondir le dialogue avec l'Orient ont reçu les honneurs des organisateurs de la conférence. Il s'agit du Centre du persan de l'université libanaise, de l'académie du royaume du Maroc, de la faculté de la langue arabe de l'université des études internationales de Pékin, du centre égyptien de la traduction, de l'établissement de production cinématographie Al Mekhyal Product Art du Koweït et du Centre des recherches pour l'histoire, les arts et la culture islamique d'Istanbul (Ircica). Dépendant de la l'Organisation de la conférence islamique (OCI), Ircica, selon Khaled Aghan, son directeur, profite de sa situation à Istanbul, dernière capitale du califat islamique, pour travailler sur les richesses immenses des archives ottomanes. L'Etat ottoman était présent autant en Afrique et en Asie qu'en Europe. «D'où l'intérêt des archives pour l'étude des territoires et régions qui faisaient partie de cet Etat», a-t-il relevé. L'étude des relations entre les civilisations, l'histoire des arts et des sciences islamiques et la préservation du patrimoine sont, entre autres, les principales activités de ce centre.