Cibles de la violence policière, les médias locaux et étrangers éprouvent toutes les peines du monde à rendre compte de la réalité de la révolte égyptienne. Internet et téléphone coupés, liaisons satellitaires brouillées, journalistes locaux et étrangers arrêtés et brutalisés… Le régime de Hosni Moubarak veut imposer le «huis clos» à la révolution en marche dans toute l'Egypte. Loin de se satisfaire d'un déploiement impressionnant de son armada policière, le régime de Hosni Moubarak met en œuvre la plus grande entreprise de censure de tous les temps. L'Egypte est coupée du monde. Une situation «totalement inédite, totalement différente des modestes manipulations d'Internet qui ont eu lieu en Tunisie où des chemins d'accès spécifiques avaient été bloqués, ou de l'Iran où la connexion était extrêmement lente. Les actions du gouvernement égyptien ont fait disparaître le pays de la carte mondiale», a observé hier, dans son rapport rendu public, l'entreprise de veille et surveillance d'Internet, Renesys. Cibles de la violence policière, les médias locaux et étrangers éprouvent toutes les peines du monde à rendre compte de la réalité de la révolte égyptienne. D'après les dernières informations recueillies par Reporters sans frontières (RSF), plus d'une douzaine de journalistes ont été interpellés ces derniers jours (bilan arrêté à jeudi dernier). Les envoyés spéciaux de plusieurs autres médias étrangers – BBC, CNN, Al Arabia, le Guardian, des chaînes de télévision japonaises, etc. – ont été également brutalisés, leur matériel confisqué, empêchés de retransmettre les manifestations du «vendredi de la colère». Hier, à 12h50, le journaliste et animateur vedette de la chaîne Al Jazeera, l'Egyptien Ahmed Mansour, a été arrêté par des policiers en civil, puis relâché deux heures après. «J'étais en présence d'un autre collègue quand j'ai été arrêté bien que nous ayons présenté notre carte de presse ! J'ai dit aux policiers que j'allais dire au monde entier ce que j'ai vu aujourd'hui. J'ai vu des policiers tirer sur des manifestants avec une violence telle qu'ils ne l'auraient pas utilisée contre leurs propres ennemis !», témoignait Ahmed Mansour. Les moyens de retransmission d'Al Jazeera au Caire ont été coupés. Le reporter de la BBC a été pris à partie par des policiers : «Cinq agents en civil armés de barres de fer m'ont frappé à la tête !» Sa caméra et son téléphone portable ont été confisqués. Quatre journalistes français ont été arrêtés dans la même matinée au Caire. Karen Lagon du Journal du Dimanche, Adrien Jaulmes du Figaro, le photographe Albert Facelly de l'agence Sipa (travaillant pour le Journal du Dimanche) et un journaliste de Paris Match ont été libérés dans l'après-midi. RSF a fermement condamné, hier, l'arrestation des quatre journalistes français et juge «inacceptable» la multiplication des entraves au droit d'informer.