Directeur de l'agence Ténéré, à Djanet, Ahmed Kheirani rejette toute responsabilité dans l'enlèvement par un groupe armé de la touriste italienne, âgée de 53 ans, qu'il faut, dit-il, chercher ailleurs. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, il revient sur les circonstances du rapt et plaide pour le guide qui accompagnait la touriste et qui est toujours en garde à vue. - Selon vous dans quelles conditions la touriste italienne a-t-elle été enlevée ? En fait, je n'étais pas présent à Djanet lorsque le rapt a eu lieu. La touriste était accompagnée d'un excellent guide qui exerce au sein de l'agence depuis plus de 16 ans. Il connaît parfaitement la région et dispose d'une réputation irréprochable. Lorsque l'enlèvement a eu lieu, j'étais à Ouargla. Le guide m'a appelé d'un numéro qui n'est pas le sien, jeudi matin, dès qu'il est arrivé à Djanet. Il était affolé et ne savait pas quoi faire. Il m'a annoncé que l'Italienne a été enlevée par des individus armés. Je lui ai tout de suite conseillé d'alerter la gendarmerie. Ce qu'il a fait. De mon côté, j'ai été voir les services de sécurité de Ouargla, avec lesquels j'ai passé plusieurs heures à raconter ce que le guide m'a révélé. L'après-midi, je suis rentré à Djanet pour m'enquérir de la situation. Je n'arrivais pas à croire qu'un enlèvement puisse avoir lieu à Alidéna, dans la région de Tadrart. Ni moi, ni le guide, ni mon frère, qui est mon associé, n'avions été informés de quoi que ce soit. Nous ne savions même pas ce que nous devions faire. Le consulat d'Italie ne cessait de m'appeler pour s'informer et je ne pouvais rien dire. Faut-il déclarer l'enlèvement qui pourrait s'avérer faux ou ne rien dire, et par la suite être qualifié de menteur ? Nous étions livrés à nous-mêmes. - N'avez-vous pas cru à la version du guide ? Le guide était chez les gendarmes. Il m'avait raconté ce qui s'est passé, mais pour moi c'était tellement irréel. Il n'y a jamais eu un quelconque problème dans la région de Tadrart. Elle est très bien sécurisée. Lui, dit qu'une bande de 13 à 14 hommes armés, parlant un arabe mauritanien, venus à bord de deux 4x4 ont investi les lieux au coucher du soleil, dans la journée du mercredi. Les assaillants cherchaient un groupe de touristes, avant de confisquer les téléphones et les papiers du guide, du gardien et d'un berger, et d'embarquer tout le monde, y compris la touriste, vers une destination inconnue. Les trois Algériens ont été abandonnés vers minuit très loin, à proximité de la frontière algéro-nigérienne, en leur laissant le véhicule avec les feux cassés. Le guide a révélé tous les détails aux gendarmes et c'est grâce à lui qu'ils ont pu remonter les traces des ravisseurs depuis le lieu de l'enlèvement jusqu'à la frontière avec le Niger. Ils ne doivent plus être en Algérie maintenant. - Est-il vrai que ces derniers ont suivi la voiture du guide ? Les traces le confirment. Apparemment les ravisseurs étaient à Djanet. Ils ont suivi le guide jusqu'à Alidéna, puis conduit les otages jusqu'à la frontière avec le Niger, où ils ont relâché les trois Algériens et gardé la touriste italienne, pour une destination en territoire nigérien. Cela étant, ce site faut-il le répéter est sécurisé. Un dispositif de sécurité composé de gendarmes et de militaires y est installé. - Certains affirment que l'agence n'a pas informé les services de sécurité de l'itinéraire de la touriste... Faux. La touriste était à Djanet depuis le 20 janvier dernier. Avant qu'elle vienne, l'agence est obligée de remettre les détails du circuit qu'elle a choisi non seulement aux services consulaires pour l'obtention du visa, mais aussi à tous les services de sécurité de Djanet, pour qu'ils puissent assurer sa protection. Le circuit de Tadrart est considéré comme étant sûr et à Alidéna, la touriste était dans une bâtisse construite en dure et équipée d'un groupe électrogène, avec un gardien pour assurer la sécurité du lieu. Les touristes visitent régulièrement l'endroit. D'ailleurs, ils étaient nombreux à y avoir passé le réveillon de l'année écoulée. Il y a même eu des officiers de la gendarmerie et de l'armée qui ont séjourné dans le site. Il est inscrit sur les itinéraires de tous les touristes et visiteurs qui viennent dans la région. Alors si aujourd'hui il y a un rapt, cela n'incombe nullement à l'agence. Il faut chercher les responsables ailleurs. Je ne comprends pas pourquoi ceux qui sont chargés de l'enquête rejettent nos propositions, nos moyens matériels et nos guides pour aller à la recherche de l'otage même en dehors du territoire national. Les responsables de toutes les agences de tourisme ont déclaré être prêts à contribuer pour retrouver l'otage, mais cette offre n'a pas été prise en compte. Nous sommes dans l'attente et nous ne savons pas quoi faire. Le guide subit tellement une pression qu'il lui est difficile de contribuer aux recherches. Il a été entendu une première fois pendant des heures, puis relâché, et vingt quatre heures plus tard, il a été interpellé et maintenu en garde à vue. Cela fait deux jours qu'il n'a ni dormi ni vu sa famille. Pourquoi ? Et dans quel but ? Il a révélé tous les détails du rapt.