Que se passe-t-il exactement dans la localité de Aïn Melouk, habituellement très paisible, pour qu'un simple mouvement de revendication sociale, aussi ordinaire pour ne pas dire banal, prenne instantanément des allures insurrectionnelles où tout a failli basculer dans l'irréparable ? La vérité est qu'au mot d'ordre de grève lancé comme ultimatum, il y a quelque temps, par le collectif des transporteurs publics, en raison de la totale dégradation du réseau routier de la commune, et particulièrement le CW115, les citoyens, lassés par les attentes inassouvies ont, dans un instinct grégaire, décidé à leur tour de lâcher la bride à leur ras-le-bol. Près de 300 personnes, rapportent des témoins oculaires, se sont regroupées samedi matin, vers 7h45 devant le siège de l'APC pour en découdre avec les élus locaux, au moment même où le secteur des transports a été entièrement paralysé. Les trois accès menant à Chelghoum Laïd, Oued Athmenia (CW115) et vers Ahmed Rachedi (CW152), ont été hermétiquement barrés avec des blocs de pierre et des pneumatiques enflammés. C'est le black-out général à Aïn Melouk. De dizaines de travailleurs et enseignants n'ont pu se rendre à leurs lieux de travail et les commerces ont baissé rideau. Aussitôt, des émeutes ont éclaté, ciblant les institutions de l'Etat. Les manifestants prendront à partie une des trois écoles primaires de Aïn Melouk-centre et un CEM qu'ils bombarderont avec des pierres et des objets métalliques provoquant un vrai climat de terreur parmi les potaches et, à en croire des sources concordantes, causant des blessures plus ou moins graves à quelques écoliers. Les émeutiers déverseront ensuite leur vindicte dévastatrice sur le siège de l'APC qu'ils saccageront. L'on déplore à ce niveau la destruction totale du matériel informatique, du mobilier et des archives, comme en témoignent les impacts de centaines de documents déchirés et brûlés. Les contestataires ne lâcheront pas prise durant toute la journée de samedi, ne desserrant l'étau qu'à la tombée de la nuit. Dans l'après-midi de cette houleuse journée, un important renfort de la Gendarmerie nationale, constitué de l'escadron de Bouhatem, s'est déployé discrètement dans les alentours de la mairie. A l'heure où nous mettons sous presse, les services de sécurité n'ont procédé à aucune interpellation, nous confirme-t-on, alors que les locataires de l'hôtel de ville sont pratiquement injoignables. Il faut souligner que la commune de Aïn Melouk, 38 km au sud du chef-lieu de wilaya, souffre depuis quelques années le martyre, à la faveur de la mise en exploitation d'une quinzaine de carrières implantées à quelques encablures du village. Selon une statistique de la subdivision des infrastructures de base (SIB), pas loin de 2000 camions/j (gros tonnage), transitent par Aïn Melouk, avec tout le carrousel des nuisances sonores et de la densité de la pollution que cela suppose. L'état des routes se passe, certes, de commentaire, l'enclavement est asphyxiant et les ressources de la collectivité sont dérisoires. Mais cela ne devrait pas pour autant occulter que cette subite ruée dans les brancards n'est, en vérité, que le prolongement de maux et de fléaux sociaux autrement plus pernicieux, comme le chômage, la pauvreté et les conditions de vie précaires.