Malgré un ministère de la Prospective dont on se demande à quoi il sert et un Office des statistiques accusé de faire de la propagande plutôt que de vrais calculs, l'Algérie n'est toujours pas un pays moderne. En l'absence de sondages scientifiques pour savoir combien d'Algériens soutiennent la marche d'aujourd'hui, chacun est obligé de rester dans le vague, ce qui arrange le régime, qui s'attelle à traquer et truquer chaque chiffre révélateur. On en est donc réduits à faire des estimations très hasardeuses en définissant grossièrement deux camps. D'un côté, l'Algérie officielle, ses partis mafieux, son ENTV et ses médias lourds, stupides soldats sans conscience aidés par de honteux journaux privés et des hordes de voyous. De l'autre, des manifestants résolus et, au milieu, une foule hétérogène, ceux qui ne veulent pas marcher ni courir, ayant horreur du sport et de la politique, des attentistes sincères, des militants courageux mais qui détestent Saïd Sadi, des démocrates occupés et des partisans du moins pire. Combien sont-ils ? Si l'on écoutait DOK, il y aurait 36 millions d'Algériens heureux et 200 mécontents, tout comme il y a 200 terroristes. Hostile à tout indicateur de tendance d'opinion, le régime truque d'ailleurs régulièrement les élections. Pourquoi n'y a-t-il pas d'institut de sondage ? Parce que le régime a tout simplement peur qu'on sache. En réalité, il y avait bien un institut de sondage, mais il a été décidé de le détruire et de traquer son directeur, Abbassa en l'occurrence, réduisant à néant tout ce qui aurait pu aider à se faire un avis par des chiffres. Fait révélateur, très prompt à donner des chiffres, faux, DOK n'a pas donné le nombre de policiers affectés à l'interdiction des marches. Deux statistiques, les seules : selon un sondage, deux Algériens sur trois ont envie de changer de pays. Deux ministres de l'Intérieur sur deux n'ont envie de rien.