Si les médias algériens furent unanimes, hier, à souligner la transparence avec laquelle le dossier du transfert de Bouteflika pour « des examens approfondis à Paris », rompant ainsi avec le black-out total qui avait entouré l'état de santé des autres présidents algériens depuis Boumediene jusqu'à Zeroual, en passant par Chadli, force est de reconnaître que beaucoup de zones d'ombres et d'interrogations demeurent dans la gestion de ce dossier. Et particulièrement sur la question de l'état de santé réel du président de la République, qui fait l'objet de beaucoup de spéculations dans la presse française. Le quotidien Libération, sous la plume de José Garçon, remet en cause le diagnostic médical officiel annoncé par la présidence de la République en croyant savoir que l'état de santé du Président est plus grave que ne l'avaient laissé croire les autorités algériennes. Ce télescopage de l'information autour du bilan de santé du Président n'aurait pas eu lieu si la présidence de la République avait joué jusqu'au bout la carte de la transparence par un suivi plus rigoureux de l'information. Et connaissant les limites de la communication institutionnelle en Algérie, pour ne pas dire autre chose, l'opinion est beaucoup plus fondée à croire ce qui se dit et s'écrit à l'étranger qu'en Algérie sur le dossier médical du Président. On aurait, à la limite, trouvé des circonstances atténuantes à la manière avec laquelle on avait géré la santé du Président au plan de la communication et mis cette prudence excessive sur le compte d'une réaction saine des autorités visant à dédramatiser les choses en rassurant que son état de santé « n'est pas source d'inquiétude ». Et puis, il fallait gérer dans la précipitation et l'urgence ce dossier. Mais depuis son admission à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce, voilà déjà plus de 72 heures, les autorités algériennes auraient bien pu se ressaisir avec le recul pour apporter les éclaircissements qui manquaient et dissiper les doutes et les spéculations les plus folles qui ont circulé sur la santé du Président par une information la plus complète possible. En pareille situation, l'image est une arme irremplaçable qui vaut tous les discours et tous les serments. L'embarras Quoique avec les techniques modernes de la communication, on peut faire dire à une image tout ce que l'on veut. Mais c'est déjà un pas de plus dans la transparence. Et sur ce plan, il faut dire que les pouvoirs publics ont péché par une totale frilosité en privant les téléspectateurs de la moindre image du Président depuis son admission à l'hôpital Aïn Naâdja jusqu'à son transfert à l'hôpital parisien. Depuis l'annonce, samedi dans la soirée, du transfert de Bouteflika dans une structure hospitalière française, les téléspectateurs étaient rivés sur leur écran de télévision et sur l'Entv guettant en vain une hypothétique image aux différents journaux télévisés qui avaient suivi le flash spécial de la nouvelle de l'hospitalisation de Bouteflika répercutant un communiqué officiel de la présidence de la République. Ce sera, d'ailleurs, le seul et unique communiqué auquel les Algériens ont eu droit. Le chef du gouvernement n'a pas jugé nécessaire, de son côté, de s'exprimer sur l'état de santé du Président. La seule source autorisée à le faire, c'est la présidence de la République, qui communique avec une telle parcimonie et prudence qu'il est difficile d'empêcher les spéculations et les « indiscrétions » lues dans la presse française à propos de l'origine du malaise du Président. Paradoxalement, ce sont les autorités françaises qui ont pallié ce déficit en communication. Bien que les rares déclarations rendues publiques jusqu'ici cachent un embarra mal dissimulé dans la gestion de ce dossier. Depuis Barcelone, où il participe au sommet euroméditerranéen, le président français Jacques Chirac a assuré, hier, avoir le « sentiment personnel que les choses se passaient bien » pour le chef de l'Etat algérien, soulignant avec une infinie retenue que « seules les autorités algériennes pouvaient donner des nouvelles de M. Bouteflika, auquel il a formé tous ses voeux de prompt rétablissement ». Le porte-parole du ministère français de la Défense a, de son côté, rendu public hier un communiqué dans lequel il rappelle que le chef de l'Etat a été admis samedi à l'hôpital Val-de-Grâce pour y subir des soins médicaux, « comme annoncé par les autorités algériennes ». La communication sur l'état de santé du Président semble être gérée par les autorités françaises, qui se gardent, toutefois, pour des raisons bien comprises, de dire un mot de trop qui pourrait être lourd de conséquences, surtout connaissant le passif qui oppose les deux capitales.