Rencontré en marge du Sommet maghrébin sur le pneumocoque, qui s'est tenu la semaine dernière à Marrakech, le professeur Jean-Paul Grangaud, pésident de la Commission algérienne de refonte de la prévention médico-sanitaire, a bien voulu répondre à nos questions. -L'OMS recommande l'introduction du vaccin antipneumocoque dans les calendriers vaccinaux des enfants. Cette recommandation est-elle applicable en Algérie eu égard à sa situation épidémiologique ? Vu la situation épidémiologique prévalant en Algérie, la vaccination contre le pneumocoque doit effectivement être intégrée rapidement dans le calendrier vaccinal des enfants, au même titre d'ailleurs que d'autres vaccins. Actuellement, la mortalité infantile en Algérie (le nombre de morts survenus durant la première année suivant la naissance par rapport à la population totale des nouveaux-nés ndlr) est de l'ordre de 23 pour 1000. Dans les pays européens, ce taux est de 5 pour 1000. Cela veut dire que nous avons encore des progrès à accomplir. La question est, dès lors, de savoir où est-ce que l'on peut intervenir pour améliorer la couverture immunitaire ? Il y a deux groupes de maladies sur lesquelles on peut gagner des points : la diarrhée de l'enfant, où nous avons un programme qui a donné des résultats, puisque nous avons actuellement très peu d'enfants qui meurent actuellement des suites de diarrhées. Par contre, les infections respiratoires et les méningites tuent encore beaucoup d'enfants. Aussi bien pour les infections respiratoires que pour les méningites, il y a deux germes qui interviennent: l'Haemophilus influenzae et le pneumocoque. Pour l'Haemophilus influenzae, nous avons introduit la vaccination en 2007. Il reste ainsi le vaccin contre le pneumocoque qui est l'un des candidats potentiels qui devraient être introduits dans le calendrier vaccinal. -Vu la situation épidémiologique prévalant en Algérie, doit-on modifier le calendrier vaccinal des enfants ? Si oui, quels changements préconisez-vous ? Jusqu'à présent, nous avons introduit le BCG, (permettant de lutter contre la tuberculose) et les vaccins contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la poliomyélite. Cela a permis de faire reculer ces maladies. En 1994-1995, nous avions enregistré un retour de la diphtérie avant qu'elle soit maîtrisée. Nous avons aussi mis en place la vaccination contre la rougeole qui a permis d'éradiquer cette infection. Bref, nous avons réalisé des progrès tout à fait remarquables. Autre point : le maintien ou non du vaccin contre la rougeole est discutable. Pour la poliomyélite, l'OMS recommande le vaccin fabriqué à base du virus inactivé. C'est un changement nécessaire. Autre changement utile : l'Haemophilus influenzae coûte au moins 300 dinars la dose. Le calendrier actuel prévoit 4 doses. Si l'on gagne une dose, nous ferions bien d'économies. Les vaccins contre le pneumocoque, la gastro-entérite à rotavirus, la rubéole, le papillomavirus (cancer du col utérus) et l'hépatite A sont tous candidats à être introduits. -Le travail d'épidémio-surveillance qui se fait en Algérie est-il efficace ? Nous avons des outils pour le faire, mais il y a beaucoup de problèmes qui se posent. Par exemple : pour la poliomyélite, l'Algérie est entrée actuellement dans ce que l'on appelle la phase de certification de l'éradication de la maladie, phase pour laquelle il est nécessaire d'investiguer toutes les paralysies flasques aiguës qui sont des affections pouvant simuler une poliomyélite, afin de vérifier qu'il ne s'agit pas d'un cas de poliomyélite. Normalement, nous devons trouver 200 cas de paralysie flasque aiguë chaque année, mais là, nous n'avons décelé que 120 cas. Cela veut dire que la surveillance est insuffisante. Le système d'information est le problème numéro un. Les informations ne sont pas disponibles en temps réel. Il est urgent de disposer d'un système d'information performant pour mieux communiquer. -L'Algérie dépense-t-elle un budget suffisant pour vacciner les enfants ? Le budget consacré par l'Etat à la vaccination a considérablement augmenté d'année en année. En 1996, sur un budget d'un milliard de dinars alloué à la prévention, 350 millions de dinars sont consacrés au financement des vaccins. Mais bien des vaccins ne sont pas assurés à cause du manque de budget. Actuellement, le calendrier vaccinal coûte 2 milliards de dinars. C'est donc une amélioration indéniable. -Depuis 1962, l'Etat algérien a assuré le financement de tous les vaccins contenus dans le calendrier, tel que recommandé par l'OMS. Continuera-t-on à le faire ? Je pense que oui, et il y a une volonté politique pour cela. Dans le même temps, il faut dire que nous n'avons pas des budgets éternellement extensibles. Il faut donc faire des choix. Actuellement, le budget est suffisant, mais si l'on va introduire le vaccin contre le pneumocoque, il faut mobiliser davantage de financements.