Quelque dix mille contractuels ayant servi pendant la lutte contre le terrorisme ont été radiés des rangs de l'ANP pour invalidité «non imputable au service». Ces anciens soldats se disent choqués de voir l'Etat réhabiliter les terroristes alors qu'il les abandonne à leur sort. Hier, ils traquaient les terroristes dans les maquis ; aujourd'hui, ils sont abandonnés à leur sort. Ils se battent contre l'Etat qui les a laissé aux abords de la réconciliation nationale sans statut. Eux, ce sont des militaires contractuels radiés des effectifs de l'Armée nationale populaire (ANP) pour invalidité, après avoir servi des années durant sous les drapeaux pendant la décennie du terrorisme. Ils se remettent en ordre de bataille pour arracher une reconnaissance de l'Etat en tant que «victimes de la tragédie nationale». Venus des quatre coins du pays pour faire entendre leurs voix, quelque 500 contractuels de l'ANP ont organisé un rassemblement, hier, devant «le tout-puissant» ministère de la Défense nationale. Le cinquième du genre. Ils revendiquent «la mise en application de la note de service promulguée par le général Mohamed Lamari en 2003», qui prévoyait l'indemnisation de toutes les victimes militaires durant leur service. Qui amputés des jambes, des mains, qui atteints de pathologies incurables ou souffrant de sérieuses infirmités et de troubles psychologiques, ces anciens militaires, dénoncent «une injustice criante d'un Etat censé prendre en charge ceux qui ont donné leur jeunesse pour que le pays ne s'écroule pas», s'indigne Hdjila Abdelhakim, qui s'exprimait au nom de ses camarades. Agés de 30 à 45 ans, la mine défaite, mais surtout bouleversés à cause du sort que leur ont réservé les pouvoirs publics, ces anciens militaires interpellent les autorités du pays, réclamant «une pension d'invalidité, une prise en charge médicale, la sécurité sociale et particulièrement une reconnaissance officielle de l'Etat pour services rendus à la patrie en pleine bataille contre les terroristes». Hamma, originaire de Tébessa, ancien contractuel est scandalisé. «J'ai été victime d'une explosion lors d'une embuscade ; je suis sorti avec une partie de mon corps complètement paralysée. Radié des rangs de l'armée avec un taux d'invalidité de 80%, je me retrouve sans statut et je perçois une indemnité de misère. Comment voulez-vous que je puisse faire vivre ma famille et prendre en charge mes soins avec une telle somme ?» a-t-il lâché. Ce sont environ 10 000 contractuels qui ont servi sous les drapeaux pendant la période la plus périlleuse de l'histoire du pays et qui se retrouvent, «une fois la guerre contre le terrorisme finie», abandonnés à leur triste misère. Ils n'arrivent toujours pas à admettre que l'ANP ait pu les lâcher un jour ! Sergent, Hakim L., originaire de Médéa, a dit avoir connu l'enfer pendant quatre ans : «J'ai servi mon pays au péril de ma vie. J'ai perdu ma main dans un accident et suite à cela, on m'a signé une radiation sans que personne ne se soucie de ce que j'allais devenir.» En somme, à chacun son histoire et ses péripéties avec la lutte antiterroriste… et par la suite avec l'ANP. Mais ce qui révolte le plus «ces soldats du devoir» est de voir «ceux que nous combattions (les terroristes) réintégrés dans la société avec des indemnités, bénéficiant de privilèges au nom d'une certaine réconciliation nationale alors que nous, qui avons défendu l'Algérie justement contre ces hordes terroristes, nous sommes totalement ignorés», s'est élevé Hdjila Abdelhakim, originaire d'Oum El Bouaghi et qui dit avoir passé une année dans les maquis de Jijel à traquer les terroristes. «On ne comprend plus rien à ce pays. Des généraux se sont rendus dans le maquis pour négocier avec Madani Mezrag et ses sbires, alors que personnes n'a daigné nous écouter et recevoir nos doléances», s'est-il exclamé. Face au silence incompréhensible des autorités publiques, ces anciens militaires appellent aux organisations de défense des droits de l'homme. Courageusement, comme beaucoup d'Algériens, ces contractuels ont résisté au terrorisme. Ils sont aujourd'hui démoralisés par «l'ingratitude» qui leur est «offerte» au bout du compte. Mais soldats qu'ils sont, ils disent ne pas abdiquer. Ils sont déterminés à livrer une autre bataille. Celle de la dignité.