Les oubliés de la sanglante crise libyenne, des dizaines de milliers de migrants subsahariens, pris pour cible par des opposants libyens qui les soupçonnent d'être à la solde du régime, sont un autre cas qui ne cesse de susciter de vives inquiétudes auprès des ONG de défense des droits des migrants. En effet, dans une déclaration rendue publique, hier matin, Migreurop indique que plusieurs d'entre eux, des Ghanéens, Camerounais, Maliens, Guinéens, en majorité, sont pris pour cible dans la rue, à cause des mercenaires noirs utilisés par El Gueddafi. D'autres sont arrêtés et remis aux comités révolutionnaires : «Quelques-uns sont détenus au palais de justice de Benghazi, le quartier général de l'opposition. Des enquêteurs les interrogent pour savoir si ce sont vraiment des mercenaires ou simplement des migrants que les habitants ont pris par erreur pour des mercenaires», souligne Migreurop. Pour échapper à leurs «bourreaux», près de 2000 d'entre eux ont trouvé refuge dans une cinquantaine de baraques près de l'université de Gar Younes de Benghazi, où ils se terrent dans des conditions de vie dramatiques. Ces baraques servaient initialement de base de vie aux travailleurs d'une société de construction turque opérant en Libye, précise le document. La couleur de leur peau les rend suspects. Dans le «camp» de Gar Younes, beaucoup racontent avoir été expulsés par le propriétaire de leur logement, effrayé d'être lui-même accusé d'héberger des mercenaires. Ainsi, l'enfer libyen semble se refermer sur des dizaines de milliers de migrants subsahariens dans l'indifférence de la communauté internationale, regrette Migreurop. Regroupés par nationalités dans certains quartiers des grandes villes, ils appellent au secours, sans être entendus. Ils vivent l'isolement total. S'appuyant sur des témoignages de certains responsables de l'Association malienne des expulsés (AME), basée à Bamako, l'organisation note que ces migrants, régulièrement victimes de racisme, comme en 2000, lors d'émeutes dirigées contre eux, sont confondus actuellement avec les combattants étrangers recrutés par le colonel El Gueddafi au Tchad, au Soudan, au Niger ou en Ethiopie, pour mater les opposants au régime. «Ils doivent faire face non seulement à une forme quotidienne de mépris et de haine, mais aussi à l'amalgame avec les mercenaires», peut-on lire dans le document de Migreurop. Autre casse-tête : beaucoup de ces migrants qui travaillent pour le compte d'entreprises libyennes ou étrangères n'ont plus de papiers d'identité. Le passeport leur est confisqué par l'employeur. Une carte de l'entreprise leur est donnée en échange. «Ceux qui n'ont pas de papiers sont littéralement coincés là-bas. Ils sont nombreux parmi les Maliens, les Guinéens, les Burkinabés, les Nigériens, les Nigérians, les Togolais, les Béninois, etc. Sans passeport, il est improbable qu'ils soient autorisés à sortir. Leur situation est particulièrement préoccupante», indique pour sa part l'Organisation internationale pour les migrants (OIM), qui évalue à 1,5 million le nombre d'étrangers installés en Libye avant la révolte.