L'Algérie et le Maroc ont raflé une dizaine de prix au 22e Fespaco qui s'est achevé samedi soir à Ouagadougou. Cela souligne un certain dynamisme du septième art nord-africain. Ouagadougou De notre envoyé spécial A défaut de l'Etalon d'or de Yennenga, l'Algérie a obtenu le Poulain d'or au 22e Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), clôturé au stade du 4 Août, en présence du président burkinabé, Blaise Compaoré. Poulain d'or au jeune Abdelnour Zahzah pour son court métrage Garagouz, prix largement mérité pour ce film poétique, beau dans sa simplicité. La Tunisienne, Meriem Riveil, a décroché le Poulain d'argent pour son court métrage Tabou qui traite de l'inceste. Dans la même section, le Poulain de bronze est revenu au Malien, Daouda Colibaly, pour Tinye So (La Maison de la vérité en bambara), un film qui évoque l'apport des ancêtres dans la culture africaine. L'Etalon d'or du Yenenga, le prix le plus prestigieux du Fespaco, a été attribué au film marocain Pégase de Mohamed Mouftakir. Cette fiction contemporaine dénonce l'abus d'autorité et le poids étouffant des traditions. Le jury présidé par le Gambien, Cham M'Bye, grand spécialiste des cinémas caribéen et noir-africain, a voulu primer l'audace esthétique du jeune réalisateur marocain qui n'a pas hésité à puiser tant dans la philosophie que dans la mythologie grecque pour dresser un tableau cruel des sociétés prétendument modernes. Le drame de Rihana et l'opposition, cheval noir-cheval blanc, dans son film, soulignent la souffrance des êtres les plus fragiles face aux puissances aveugles. «Le cheval est aussi le symbole de notre force et de notre beauté. J'ai un film, fait ce qu'il faut. Ce qui se passe actuellement au Maghreb est considéré comme un symbole dans le cinéma africain. Il y a des films variés, diversifiés, aussi bien dans le traitement dramaturgique que du thème lui-même», nous a expliqué Mohamed Mouftakir, connu surtout par ses courts métrages, tels que Chant funèbre produit en 2007. C'est la troisième fois que le cinéma marocain est consacré par l'Etalon d'or de Yenenga au Fespaco. En 1973, ce prix a été attribué à Souheil Ben Barka, ancien directeur du Centre cinématographique marocain, et en 2001, à Nabil Ayouch. L'Algérien, Abdelkrim Bahloul, réalisateur de Voyage à Alger, a été récompensé par le prix du Meilleur scénario et par celui de la Meilleure interprétation féminine pour la jeune Samia Meziane, la valeur la plus sûre du septième art algérien actuellement. «Je suis content, d'autant plus que c'est moi qui ai écrit le scénario du film. Je suis très fier également pour Samia Meziane, c'est une actrice extraordinaire qui mérite d'être connue dans le monde entier. J'espère qu'il y aura de plus en plus de films algériens dans lesquels elle interprétera le personnage principal et deviendra la vedette qui remplira les salles de cinéma en Algérie», a déclaré Abdelkrim Bahloul. Vendredi soir, Voyage à Alger a obtenu deux prix spéciaux attribués par l'Unicef et par l'Association catholique pour la communication. Autre film algérien en compétition officielle, Essaha (la place) de Dahmane Ouzid a décroché le prix de la Meilleure affiche du Fespaco. Ce film musical a également reçu la distinction spéciale du système des Nations unies de lutte contre la pauvreté. Le prix du Meilleur son a été attribué à Taoufik Mekraz, pour le film marocain Pégase, alors que le trophée de la Meilleure image a été décroché par la comédie marocaine, La Mosquée, de Daoud Oulad Syad. Le Tchadien, Mahmat Saleh Haroun, a obtenu l'Etalon d'argent de Yenenga pour sa fiction Un Homme qui crie, déjà primé à Cannes et à Dubaï. L'Etalon de bronze est revenu à la comédie ivoirienne, Le Mec idéal d'Owel Brown, véritable succès populaire ici à Ouagadougou. Le comédien, scénariste et réalisateur béninois, Sylvestre Amoussou, a obtenu le prix de la Meilleure interprétation masculine, pour son jeu dans Un Pas en avant, les dessous de la corruption, un film osé sur le phénomène qui gangrène les économies africaines. La Burkinabaise, Sarah Bouyain, a reçu le prix de l'Union européenne et le prix du jury pour son premier long métrage, Notre étrangère, un film audacieux sur la perception des métisses dans les sociétés africaines d'aujourd'hui. Le long métrage malien Da Monzon, la conquête de Samanyana, de Sidy Diabaté, a décroché le prix du Meilleur décor. L'artiste sénégalais, Wassis Diop, a reçu le prix de la Meilleure musique pour sa contribution à trois films, Un Pas en avant, les dessous de la corruption, Un homme qui crie et En attendant le vote, du Burkinabé Missa Hébié. Le Haïtien, Arnold Antonin, a décroché le prix de la Diaspora africaine pour sa fiction politique, Les Amours d'un zombie, à travers laquelle il dénonce toutes les formes d'autoritarismes. Le film égyptien de Yousri Nasrallah, Raconte Cherazad, a été disqualifié par le jury pour non-respect du format de 35 mm (le film a été projeté en DVD). Dans la section documentaire, la Kenyane, Jane Murago, a reçu la première distinction pour Unbroken spirit, suivie de la Ghanéenne, Yaba Badoé, pour Les Sorcières de Gambaga. Le Congolais (RDC), Djo Tunda Wa Munga, a reçu la mention spéciale du jury pour State of mind (Etat d'esprit). Dans cette section, trois documentaires algériens étaient en compétition : Dans le silence, je sens rouler la terre de Mohamed Lakhdar Tati et Le Docker noir de Fatma Zohra Zamoum. En tout, 195 films, dont 111 étaient en compétition officielle au Fespaco (longs et courts métrages, documentaires, vidéo et cinéma d'écoles). «Il faut encourager les cinéastes, créer des partenariats et diversifier les productions. Le Fespaco est une victoire pour l'Afrique», a déclaré, aux nombreux journalistes venus couvrir l'événement, le président Blaise Compaoré, à la fin de la cérémonie. Le spectacle contemporain, présenté au stade devant plus de 20 000 spectateurs, a été assuré par le chorégraphe burkinabé, Salia Sanou, appuyé par la star congolaise, Fally Ipupa. Plus de 600 danseurs et acrobates ont pris part à un spectacle intitulé «Jeunesse en songe». «Le père, après avoir rêvé pour lui, rêve aussi pour son fils. Il lui transmet son rêve. Tous, nous rêvons…», a expliqué Salia Sanou, créateur des Rencontres chorégraphiques de Ouagadougou, «Dialogues de corps».