A l'aide de sa canne blanche, Kouider tâtonne afin de se frayer un passage sur la placette en face de la Grande-Poste. Bras dessus, bras dessous avec un homme à lunettes noires, ils s'asseyent sur l'une des margelles du jardin. Ils semblent perdus, inquiets même. «Nous cherchons nos collègues. Nous devions les retrouver ici afin d'organiser un sit-in devant le Palais du gouvernement», dit El Hadj, derrière ses lunettes noires. Les deux non-voyants font partie des centaines d'handicapés employés au sein de l'Etablissement public d'insertion des personnes handicapées (EPIH, ex-Enabrosse). L'entreprise employait plus d'un millier de travailleurs, dont la majorité d'entre eux, 80% en moyenne, sont mal ou non-voyants. Seulement, la vingtaine d'unités de production sont à l'arrêt total depuis près de deux ans. Les ouvriers sont sans salaire depuis près de 18 mois. Et c'est dans l'optique de rappeler aux «autorités compétentes» leur triste sort qu'un sit-in a été décidé, alors même que l'on célèbre la Journée des handicapés. Le rassemblement projeté n'a toutefois pas eu lieu. «Nous étions, ce matin, une vingtaine, à nous être réunis en face des escaliers qui mènent au Palais du gouvernement. Mais les policiers en faction nous ont empêché d'avancer, nous repoussant gentiment mais fermement, vers la Grande-Poste», raconte Bouassem Abdelkader, secrétaire général du syndicat de l'EPIH. Ce dernier a même été appréhendé par les forces de l'ordre. «Ils m'ont emmené au commissariat. J'ai été relâché vers les coups de midi», ajoute-t-il. Leur seule revendication ? Gagner leur vie dignement. Se sentir utiles et autonomes. «Comment voulez-vous que je fasse vivre mes deux enfants avec la pension de misère d'un montant de 3000 DA allouée par l'Etat ?» lance Kouider. Ses propos sont accueillis par les murmures approbatifs de ses compagnons. «Est-ce cela la Journée des handicapés ? Ils nous bousculent, nous maltraitent, nous empêchent de revendiquer nos droits les plus élémentaires ?» s'indigne El Hadj.