Le poste-frontière tuniso-libyen de Ras Jdir continue d'être pris d'assaut par les refugiés fuyant la Libye. Durant la nuit de samedi à dimanche, 1771 ont franchi la frontière, parmi lesquels 431 Ghanéens, 578 Maliens et 9 Algériens. Dans les camps, ils étaient plus de 17 500 à y avoir passé la nuit… Ras Jdir (frontière tuniso-libyenne). De notre envoyée spéciale Toute la nuit de samedi à dimanche, le flux des réfugiés ne s'est pas arrêté. 450 seulement (Soudanais) ont été rapatriés, pour être remplacés par 2209 nouveaux réfugiés. Durant la même soirée-neuf Algériens sont revenus de Libye, et rejoint le pays, le soir même. Pour la première fois, ce ne sont pas les Bengalis qui viennent en tête, mais plutôt les Maliens et les Ghanéens, qui arrivent massivement, avec respectivement 578 et 431 réfugiés. La majorité ont fui Tripoli, craignant «une éventuelle dégradation de la situation sécuritaire», dans les semaines à venir. «Nous étions plus d'une cinquantaine dans un camion que nous avons loué. Nous n'avons pas eu de problème sur la route, mais les militaires nous ont enlevé nos papiers, nos téléphones portables et notre argent…», raconte un Malien. Les nouveaux arrivés viennent soit de Tripoli, soit de la périphérie. Il n'y a plus de refugiés de Zouïa, où pourtant, les troupes d'El Gueddafi, semblent contrôler la ville. A Ras Lanouf, la situation reste tendue. Les réfugiés parlent de nombreux morts et de blessés, ainsi que des poches de résistance dans certains quartiers visés par les tirs d'artillerie lourde d'El Gueddafi. A Tripoli, explique un Malien, la situation n'est pas aussi grave qu'à Ras Lanouf, ou Zouïa, mais «nous entendons souvent des tirs d'armes lourdes, aux alentours. Le climat est très tendu et la population a très peur». Un groupe de Ghanéens vient juste de franchir le poste frontalier. Lui, a pris le départ en retard par rapport à ses compatriotes, venus la veille dans deux bus. «J'ai eu du mal à trouver un taxi, parce que les Africains sont désormais mal vus. On nous appelle les mercenaires. Je n'ai pas vu un seul Africain avec des armes. Ce sont tous des Libyens », dit-il avant d'être pris en charge par l'OIM (Organisation internationale pour les migrations), puis dirigé vers le camp de Choucha, à près de 35 km de la frontière. Des Maliens annoncent aux policiers qu'un ressortissant tunisien venait d'être arrêté par les militaires libyens non loin du poste. Un branle-bas de combat s'engage et une heure plus tard, le Tunisien en question est relâché. Personne n'a pu savoir pourquoi a-t-il fait l'objet d'un tel acte. Il a été immédiatement pris en charge par des militaires. Dans le camp de Choucha, la situation devient extrêmement difficile, en dépit des nouvelles tentes installées quotidiennement. La désorganisation et le manque de coordination compromettent toute chance d'amélioration des conditions de vie. Les sanitaires mobiles installés en hâte autour des tentes commencent à dégager une odeur asphyxiante, notamment hier avec la hausse de la température. Le vent de sable de la veille a poussé les pensionnaires à se ruer sur les rares cabines de douche installées malheureusement à proximité des toilettes. Dans le camp, les 11 600 Bengalis, tentent de se trouver des distractions, en passant leur temps à faire des chaînes interminables, pour l'eau, la nourriture, les couvertures et le linge. Des frictions apparaissent entre eux et les Ghanéens au nombre de 2442. Des disputes tournent parfois aux rixes, avant d'être stoppées net par les militaires. Des disputes éclatent par la suite entre Africains. Un agent de l'OIM a failli être agressé par l'un d'eux, auquel, il aurait promis de lui débrouiller un titre de passage, au lieu d'un passeport pour être rapatrié. Le climat devient trop tendu. Au nombre de 1500, les Soudanais n'arrivent plus à supporter la vie dans les camps. Certains y vivent, ou plutôt survivent depuis 21 jours. Plusieurs centaines d'entre eux sont arrivés massivement durant les dernières 24 heures. «Tout le monde ne parle que des Bengalis, alors que nous nous sommes là depuis le début de la crise. Nous refusons cette discrimination. Nous voulons retourner chez nous. Nous ne pouvons accepter de telles humiliations», déclare en colère l'un d'eux, déclaré porte-parole du comité des Soudanais. Il est désigné par ses compatriotes pour faire faire entendre leur voix. Une marche pour exprimer leur colère «Nous faisons tout pour canaliser la colère de nos jeunes. Mais, il y a trop d'injustice et de ségrégation dans le traitement des réfugiés. Nous ne cherchons ni la nourriture, ni les tentes. Nous demandons à être traités avec dignité et respect », déclare notre interlocuteur avant de donner le départ à une marche de protestation, que ses compatriotes organisent plusieurs fois par jour dans le but d'attirer l'attention des médias sur leur situation. Il explique que le nombre des Soudanais encore en Libye est très important, mais la plupart sont encore bloqués et n'attendent que l'occasion pour rejoindre la Tunisie. La frontière avec leur pays est trop lointaine, (près de 2000 km). La journée d'hier reste très particulière. Un flux massif et ininterrompu d'Africains, notamment des Maliens, des Ghanéens et des Soudanais surprend les militaires tunisiens qui s'attendent dans les jours qui viennent à des rushs plus importants. «Nous savons que des milliers d'autres sont sur le chemin, alors que au moins 14 000 Pakistanais, sont également sur le point de rentrer. Les informations que nous avons parlent aussi de centaines d'Algériens, de Tunisiens et de Marocains encore bloqués sur place. Rien n'augure une bonne issue de la crise… », déclare un officier de l'armée tunisienne. Au poste frontalier de Ras Jdir, les militaires ont renforcé leur présence, et institué un périmètre de sécurité. Près de 2000 Libyens rentrent quotidiennement par le poste, mais hier, leur nombre a dépassé les 3500. Ils viennent tous par voiture, type grosse cylindrée dotée d'un double réservoir, pour vendre le carburant et retourner chez eux. En dehors de la crise, leur nombre dépasse les 8000 quotidiennement. Cette baisse a eu pour conséquence une pénurie de carburant vendu en dehors des stations d'essence, c'est-à-dire à même les trottoirs. Une activité qui fait vivre de nombreuses familles dans la région, vu le taux de chômage assez élevé. Jusqu'en fin de journée, le flux des réfugiés ne s'est pas arrêté. Le camp de 5000 personnes installé par les Emiratis est enfin ouvert. «Les Emiratis l'ont offert aux réfugiés libyens et palestiniens uniquement. Nous leur avons expliqué, que le camp ne pouvait être fermé autant de jours. Il fallait héberger les nouveaux venus d'abord. Lorsque les autres arriveront, d'autres tentes seront déjà installées… » explique un cadre du Croissant Rouge tunisien..