Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, estime que les musulmans ne sont pour rien dans les problèmes que connaît la France. Il a également rappelé que la «khoutba» (prière du vendredi) ne peut se faire que dans la langue arabe. -Le 5 avril prochain, un débat sur la laïcité aura lieu à l'UMP, parti de la majorité au pouvoir. Allez-vous y prendre part ? La question m'a été posée par le secrétaire général de l'UMP (Union pour un Mouvement populaire), Jean François Copé. J'ai répondu que la mosquée de Paris est prête à débattre de ce sujet. La laïcité est une donnée importante dans la loi française. Nous revendiquons la laïcité, comme l'ont réclamée les Algériens en 1880 lors de la visite de Jules Ferry en Algérie, et en 1930, lors de la célébration du centenaire de la colonisation française de l'Algérie. A ce moment-là, les Oulémas avaient également posé la question de la laïcité à appliquer au culte musulman en Algérie, alors que les imams, les muezzins et tout le personnel religieux étaient nommés par l'administration coloniale. La laïcité est une vieille demande des musulmans. La garantie de la séparation entre le culte et les affaires de l'Etat est un élément à même de protéger tous les cultes contre les ingérences politiques ou idéologiques. -Un conseiller du président Sarkozy a qualifié le secrétaire général de l'UMP, Jean François Copé, de «peste pour les musulmans». Partagez-vous cet avis ? Chacun doit assumer la responsabilité de ses propres paroles. En revanche, notre problème, notre rôle à la Mosquée de Paris est de défendre le culte musulman et sa pratique, notamment la «khoutba» (prière du vendredi). La «khoutba» est un élément essentiel pour la pratique de l'Islam dans le monde. Les fidèles écoutent la prière selon un rite très précis et selon une tradition qui remonte au Prophète (QSSSL). On ne peut donc changer la règle selon laquelle la «khoutba» se fait dans la langue arabe. A ce titre, j'ai appelé Jean François Copé pour l'informer des versets coraniques qui indiquent clairement que le Coran a été révélé dans la langue arabe et que l'arabe est la langue liturgique de l'Islam. -Pourquoi, selon vous, l'Islam est-il plus que jamais visé en France ? Tout cet ensemble d'événements (débat sur l'identité nationale, sur l'immigration, l'Islam...) a créé un malaise chez les musulmans de France. Ce malaise a été aggravé par l'allusion à la modification de la prière de l'Islam, c'est-à-dire à introduire la langue française dans la «khoutba». Nous voulons rappeler à cette occasion que, d'une part, la loi 1905 ne permet pas à des laïcs ou aux pouvoirs publics de modifier quoi que ce soit dans la religion. D'autre part, les musulmans ne comprennent pas pourquoi aujourd'hui, en France, on lance un débat sur l'Islam. Les musulmans de France veulent juste vivre en paix et ne comprennent pas pourquoi ils suscitent un débat dans l'hexagone. Les musulmans ne veulent pas servir d'alibi à d'autres problèmes qui sont ceux de la société française directement (chômage, récession économique, crise de logement, montée de l'extrême droite...). Sont-ils responsables du tsunami au Japon ? De la guerre en Irak ? Bien évidemment non. -Soutenez-vous l'appel lancé aux musulmans de France afin de déchirer leur carte d'adhésion à l'UMP ? Non, je ne soutiens pas cet appel. La Mosquée de Paris n'est pas un organisme politique ni un bureau d'adhésion de tel ou tel parti politique. C'est vrai que l'Islam a connu ces derniers temps des attaques injustifiées. Ce sont pour moi des épisodes circonstanciés. Il faut se rappeler que la France est un pays pour lequel des millions de musulmans ont donné leur vie ou leur santé. Il y a des liens très forts entre la France et les musulmans, pourvu que les parasites n'entrent pas en jeu pour casser cette relation privilégiée.