Au collège, l'étude de la mappemonde était un casse-tête mnémotechnique. Tous les pays se sont arrangés pour avoir des formes biscornues, résultat de la folle alchimie de la géographie et de l'histoire. Un seul a eu la bonté de pouvoir se retenir facilement : cette brave Italie avec sa forme de botte plongée en Méditerranée ! Au lycée, les cours sur l'unité italienne nous firent découvrir Garibaldi et son armée de Chemises rouges enflammant nos imaginations adolescentes. Il fallait de l'aventure pour nous intéresser à l'histoire. Garibaldi (1807-1882) en fournissait à gogo : marin à 15 ans, enseignant de langues et mathématiques à Istanbul et Montevidéo, condamné à mort pour avoir fomenté un soulèvement, évadé plusieurs fois, catalogué «bandit», exilé en Tunisie un moment puis en Amérique du Sud, où il devient général au service des guerres d'indépendance avant de retourner combattre les occupants de l'Italie. Second exil, travail à New York dans l'usine d'Antonio Meucci, inventeur avant Bell du téléphone, puis la mer à nouveau, en Chine, en Australie… Retour au pays combattre en Sicile. Refus de l'offre des Nordistes américains de les rejoindre durant la guerre de Sécession sans leur engagement formel à émanciper les esclaves, etc. Bref, un personnage de roman entré clandestinement en cours d'histoire. Il reste le héros du Risorgimento (ressurection), par lequel l'Italie accéda à son unité durant la seconde moitié du XIXe siècle. On célèbre justement les 150 ans de cet événement. Bien sûr, l'existence de l'Italie, «cette mère des génies et des nations», dixit Victor Hugo, remonte à plus loin, aux profondeurs de l'Antiquité. C'est l'occasion d'évoquer l'extraordinaire contribution de ce pays à la culture universelle. Les traces de l'empire romain sont encore présentes aujourd'hui, comme vestiges, mais aussi notions de droit, d'urbanisme, etc. La Renaissance italienne a laissé des chefs-d'œuvre d'art mais aussi une dynamique scientifique décisive pour le nouvel âge de l'Europe, relais de l'Angleterre musulmane. Partageant avec lui cinq siècles d'apports et d'échanges, combats compris, les Algériens ont toujours considéré ce pays avec bienveillance. Leur attrait pour le cinéma italien ; la passion commune du foot ; le théâtre quotidien des gestes ; le fait qu'il soit le seul pays, autre que la France, où quelques écrivains algériens sont installés, écrivant même en italien ; les comportements et leur lot de bravades, machisme et excès… Tout cela a suscité le sentiment d'une proximité plus humaine que géographique, pour ce pays qui a donné Galilée, de Vinci, Casanova, Michel-Ange, Verdi, Sophia Loren, Fellini, la Squadra Azzura, Italo Calvino, Enrico Mattei, etc. sans oublier Ponte-Corvo à qui nous devons La Bataille d'Alger. Et, en dépit de ses côtés sombres et des turpitudes de sa vie politique, l'Italie demeure un phare lumineux dans la culture et le monde.