Connu dans l'univers de la mode algérienne depuis plus de trois décennies, le styliste Djamel Seksaoui est mort tragiquement en novembre dernier en laissant derrière lui un legs inestimable. Sa femme Wahiba a repris, depuis peu, le flambeau de la maison de haute de couture. Né le 6 janvier 1954 à Alger, le regretté couturier Djamel Seksaoui a été élevé au sein d'une famille d'artistes. Son père était un ébéniste orfèvre qui avait le souci du détail et de la rigueur. Il avait d'ailleurs inculqué à ses deux garçons cet amour pour l'art universel. Si son aîné Djamel a embrassé le monde de la mode, son cadet a également suivi ses traces. Ayant grandi et passé tout le restant de sa vie dans le quartier d'El Mouradia, Djamel Seksaoui a été, très jeune, fasciné par la mode. A l'époque déjà, il était déterminé à percer les secrets de cet univers et en faire plus tard son métier. A l'âge de 14 ans, il commence sa carrière comme apprenti dans un petit atelier de couture de son quartier baptisé «Gala». Très vite, il se découvre une passion pour la création et la couture. Sa sœur aînée de quatre ans lui a été d'une aide appréciable. En effet, elle-même élève dans une école de couture, elle apprend à son petit frère les premières bases de la couture. Ses cours lui seront précieux, puisqu'il réussit avec brio à réaliser ses premières robes, et ce, sous l'œil vigilant et complice de sa frangine. A 17 ans, il décide d'approfondir ses connaissances en s'inscrivant à un concours, lancé par la Chambre de commerce et de l'industrie. Il décroche haut la main une bourse pour poursuivre un cursus à l'Institut de la mode et vêtement à Paris. Ses études sont sanctionnées au bout de trois années d'un diplôme de modéliste couturier. Une fois de retour au pays, il tente de travailler avec plusieurs grandes maisons de couture, telles que Saina Couture dont il occupera le poste de chef d'atelier. La maison défile à Berlin, Lisbonne ainsi qu'en Algérie. Il fait une autre escale enrichissante au niveau de la maison de haute couture Samir Pain. Un défilé de mode est organisé en 1986 à Alger. Chemin faisant, il s'associe, un laps de temps, avec des associés… mais en vain. «La Renaissance du coton», c'est ainsi qu'il a nommé la collection qu'il a réalisée pour le groupe Dagris. C'est un cocktail chatoyant de quatorze modèles. Parmi lesquels une robe berbère en chèche Ganzer de couleurs vives, un manteau de velours avec pantalon en chèche 100% coton, et un ensemble pantalon en velours, chemise en chèche, 100% coton. Désormais, ayant acquis expérience et maturité, Djamel se sent prêt à lancer sa propre ligne de haute couture. Ironie du sort, il s'installe dans le même espace (Gala) qui l'a vu débuter et rendre l'âme un certain 20 novembre 2010. Travaillant en solo, il se fait rapidement un nom parmi les plus grandes enseignes d'Alger. De l'avis d'un membre de sa famille, le défunt accordait une importance primordiale à la création, mettant au second plan le côté commercial. «Il avait un don rare. Certaines personnes ont profité de son talent pour se faire un nom. Il est resté modeste, s'occupant surtout de la création et non du marketing. Il avait un cœur tendre. Il se donnait à fond pour faire d'une mariée une princesse d'un jour. Chaque mariée avait le droit à un modèle exclusif». Djamel Seksaoui n'était nullement avare en conseils et en recommandations. Il a formé plusieurs jeunes et notamment sa femme Wahiba Seksaoui. Elle a d'ailleurs repris depuis deux mois le flambeau. «Mon mari, dit- elle d'un air triste, avait une touche bien à lui. Il a su la transmettre à son équipe. Djamel était quelqu'un de généreux, disponible pour tout le monde. Son travail était minitieux. Un simple tissu l'inspirait. Il le maniait avec art et finesse pour en faire une création hors- pair». Cette veuve éplorée et inconsolable indique que son défunt mari a su allier modernisme et traditionnel dans la coupe et la broderie. D'un commun accord entre le personnel de l'atelier et Mme Seksaoui Wahiba, il a été décidé de poursuivre la voie tracée par le défunt en rouvrant l'atelier. «L'équipe de Djamel a insisté pour que l'atelier continue de fonctionner. Après le décès de mon mari, certaines personnes ont tenté de récupérer nos employés. Cette équipe fidèle et dévouée a refusé. Ils n'oublieront jamais leur employeur. Ils resteront fidèles à sa mémoire. Tous ensemble, nous unirons nos efforts afin de réussir notre projet», dit-elle. Femme courage, Wahiba Seksaoui est, elle aussi, une passionnée de couture. Après le terrible pari de rouvrir les portes de l'atelier, elle caresse le rêve d'organiser un défilé de mode en hommage à son mari… à sa muse. Elle est consciente que la concrétisation du projet sera difficile mais, comme elle le dit si bien, il suffit d'y croire.