Celui qui a inventé le style militaire et introduit le jean dans la haute couture, Pierre Ted Lapidus, est mort lundi dernier à l'âge de 79 ans à l'hôpital de Cannes des suites d'une insuffisance respiratoire. Il s'était retiré volontairement de l'univers de la mode, il y a une quinzaine d'années. ed Lapidus a révolutionné l'univers de la mode dès les années 1960 en habillant les femmes selon sa propre vision, en l'occurrence dans la rue et non pas, comme il aimait à le rappeler, dans les salons ou sur papier glacé. Ce génie de la couture répondant au nom d'Edmond Lapidus, dit Ted Lapidus, est né le 23 juin 1929 à Paris. Il a été bercé dans les coulisses d'une famille de stylistes. Son père était un brillant tailleur russe émigré. Diplômé de l'école technique de Tokyo en 1949, la technologie n'avait aucun secret pour lui. Une fois le diplôme en poche, le futur couturier avait bien l'intention de révolutionner la mode en lui appliquant les principes de production normalisée. Il réalisa ce rêve en 1963 en s'associant, au grand scandale des puristes de la haute couture, avec La Belle Jardinière, un grand magasin populaire qui lui offrit de diffuser en grande série sa mode masculine et féminine. « Avec, disait-il, une bonne main-d'œuvre, il n'y a aucune raison que ce ne soit pas en usine aussi bien qu'à la maison ». Après un passage éclair chez Dior, Ted ouvre avec sa jeune sœur Rosette sa première maison de couture en 1958. Annabelle Buffet avait d'ailleurs été l'un de ses tous premiers mannequins. Le défunt avait habillé plusieurs célébrités dont entre autres Brigitte Bardot, Marie Laforêt et Alain Delon. En 1964, alors que les couturiers se comptaient sur les doigts d'une seule main, il est admis à la Chambre syndicale de la couture parisienne en 1964. Selon le dictionnaire international de la mode, la maison réussira à asseoir une réputation appréciable, lui permettant, ainsi, de devenir « l'un des fers de lance d'un mouvement qui dans les années 1960 et 1970 a destitué la haute couture et révolutionne la mode ». En 1965, il deviendra un tailleur confirmé en lançant le style unisexe, proclamant la mobilisation générale de la femme « à grand renfort de pardessus d'officier, de boutons dorés ciselés et d'épaulettes militaires. Les pantalons pattes d'ef sous des cabans, Ted les rend soudain populaires. Ce grand amoureux de la femme escamota les minijupes ». En 1980 il lance le parfum Ted Lapidus. En 1986, un groupe canadien rachète la maison de couture qu'il revend en 1989 à Franz Braha, PDG du groupe Paris Eco. En 1993, un autre changement de main est opéré : la marque passe entre les mains d'Alain Mallard. Ce de rnier la cède en 1993 à une filiale du Crédit lyonnais. Ted attire alors les capitaux. Le défunt se réconcilie avec son fil Olivier Lapidus, diplômé de l'école de la Chambre syndicale en 1983, celui-ci reprendra de main ferme la marque et ce, jusqu'en décembre 2000. Sa sœur, Rose Torrente, la présidente de la maison Torrente, estime que son regretté frère n'a pas eu la reconnaissance qu'il méritait. « C'était un grand couturier mais il n'a pas eu la chance de rencontrer son Pierre Bergé ». Une allusion en direction du couple formé, pendant plus de quarante ans, par Yves Saint Laurent le créateur et M. Bergé, le gestionnaire de la maison de couture. Très peinée par la disparition de son père, Olivier a affirmé qu'« on s'est connus intensément. Nous parlions encore récemment de poésie, une de ses passions dans la vie. » Le couturier a laissé dernière lui des gardes robes indémodables et une multitude de manuscrits poétiques. Il avait l'intention de publier un ouvrage de 700 pages... mais la maladie l'a fauché.