Avant-hier, à Hambourg, où il résidait depuis plusieurs années, Hamid Skif est décédé à 5 heures du matin. A quatre jours de ses soixante ans, la sale maladie qui rongeait ses poumons a fait perdre ainsi à la littérature algérienne l'un de ses écrivains les plus talentueux. A la fois poète, nouvelliste, romancier et journaliste, il avait mis sa belle écriture au service de ses passions comme de ses idées et de l'information. Enfant du printemps, il a vu le jour à Oran le 21 mars 1951. Il aimait à dire qu'il était «pleinement algérien», étant né dans la capitale de l'Ouest, issu d'une famille originaire de Bou Saâda et ayant vécu un peu partout dans le pays, notamment à Alger, Ouargla et Tipasa. Gagné comme la plupart des jeunes de l'époque par la vague contestatrice mondiale de la fin des années 60, passionné de théâtre, il vient à Alger en 1968 pour suivre le Théâtre de la Mer, qui donnera l'ossature de la troupe de Kateb Yacine. Il fait partie de la génération des poètes rebelles, avec Youcef Sebti, Tahar Djaout, Djamel Imaziten, Nacer Khodja, etc. qui seront publiés dans l'anthologie de Jean Sénac de 1971. MohamedBenmebkhout pour l'état-civil, c'est à ce moment que se fera connaître son pseudonyme littéraire : Hamid Skif. Un poète pas disparu Sa carrière dans la presse fut mouvementée. Journaliste à Révolution Africaine, à Alger, il regagne Oran pour intégrer la fameuse équipe de La République dirigée par Bachir Rezzoug. Il est arrêté en 1973 pour un article jugé subversif et relâché aussitôt avant d'être muté à Alger. Il va travailler à l'ONCIC (office du cinéma), mais doit le quitter en 1975 pour le bureau APS de Ouargla, avant de devenir responsable de son bureau à Oran. Il participera activement à l'animation de la vie culturelle de la ville dont Abdelkader Djeghloul était le pivot durant les années quatre-vingts. En 1984, il est au bureau APS de Tipasa, crée l'hebdomadaire économique Perspectives qui ne survivra pas longtemps. Il échappe à deux tentatives d'assassinat au début des années 90, et, vers leur milieu, après une résidence d'écriture en Allemagne, il s'installe à Hambourg, soutenu par le Pen Club allemand. On lui doit trois recueils de poèmes : Poèmes d'El Asnam et d'autres lieux (1986), Poèmes de l'Adieu (1997), Les Exilés du matin paru en 2006 chez Apic, son éditeur algérien. Il est aussi l'auteur de plusieurs recueils de nouvelles. En 2006, il publie son premier roman, La Géographie du danger, œuvre racée sur le phénomène des harraga, qui lui vaut le prix de l'Association des écrivains de langue française. Edité par les éditions Naïve à Paris, Epic à Alger, il est traduit en Italie par les éditions Barbera. Nous reviendrons sur sa vie et son œuvre, dans la prochaine édition d'El Watan Arts & Lettres où il avait publié plusieurs articles et contributions. Il n'était pas «pleinement algérien» que par ses origines et ses résidences, mais aussi par son attachement inquiet et passionné pour le pays, se déclarant en «transit temporaire» dans son exil. Sa grande distinction et sa gentillesse, son humour so british dans une silhouette immense d'adolescent dégingandé nous manqueront aussi terriblement.