Captivant était le spectacle présenté par le théâtre Jean Sénac de Marseille à la clôture lundi après-midi du colloque sur Kateb Yacine. Intitulé La gueule du loup, la lecture-théâtre, des textes montés par Hamid Aouameur, directeur de la troupe est un parcours de l'œuvre de Kateb Yacine. Le modeste public a chaleureusement applaudi le jeu des comédiens. Ces derniers ont promis de revenir l'année prochaine avec des projets. « Nous allons présenter la pièce théâtrale La cité du soleil de Mouloud Mammeri au mois d'avril prochain. Nous prévoyons également de monter des spectacles du même genre en hommage à Mohand Ouyahia et à Tahar Djaout et d'organiser un colloque sur Massinissa », a promis Hamid Aouameur. L'équipe du théâtre Jean Sénac a réaffirmé sa détermination à consolider les échanges entre la ville de Marseille et celle de Tizi Ouzou. Et tout porte à croire que le projet sera mené à bon port, d'autant que le directeur de la maison de la culture Ould Ali El Hadi a assuré de la disponibilité du ministère de la Culture d'apporter son concours financier, comme il l'a fait pour l'organisation du colloque de cette semaine, a-t-il indiqué. En dépit de quelques critiques formulées à l'endroit des organisateurs pour la précipitation dans la mise sur pied du colloque, le public peu nombreux, mais intéressé, a fortement apprécié la débordante générosité dans les communications de l'universitaire Mohamed Lakhdar Maougal et la découverte pour certains de Youcef Aït Mouloud, ancien comédien et membre fondateur de la troupe de Kateb Yacine, l'Action culturelle des travailleurs (ACT). Intervenant particulier dans ce colloque, Maougal a fait découvrir Yacine l'intellectuel alors que Aït Mouloud a présenté un remarquable témoignage sur le père de Nedjma, le poète et l'homme. Kateb Yacine, a expliqué l'universitaire, a traversé trois périodes dans sa carrière ; la première francophone, durant laquelle il avait écrit des chefs-d'œuvre (Nedjma, Le cadavre encerclé) entre 1945 et 1970, la deuxième, amazighophone et arabophone (théâtre populaire) entre 1970 et 1982 et la troisième de nouveau francophone, marquée par des périodes de désillusions (il était frappé d'ostracisme et interdit de parole en Algérie) entre 1982 jusqu'à sa mort en 1989. La grandeur de l'homme, de son œuvre, n'est pas simple à cerner, ont convenu les conférenciers. « Pourtant, témoigne Aït Mouloud, Kateb Yacine se fondait naturellement dans la rue et ressentait les pulsions de son peuple. Quand je l'avais aperçu pour la première fois, j'aurais pu dire qu'il était maçon, plombier ou éboueur, tant il était simplement vêtu et en retrait. Je découvris en fait la grandeur de l'homme que j'ai eu l'honneur d'accompagner ». Les comédiens du théâtre Jean Sénac, dont des pieds-noirs originaires de l'Oranie et de l'Algérois et une comédienne d'origine marocaine, n'ont pas caché leur « bonheur d'être parmi le public connaisseur de Tizi Ouzou. » Kateb Yacine n'avait que 17 ans quand il avait donné une conférence sur Abdelkader et l'indépendance de l'Algérie. Durant les quatre jours du colloque, le public universitaire s'est fait remarquer par une brillante... absence. Quelques intervenants hardis ont « reproché aux Marseillais de venir parler de Yacine dans son pays ». Patrimoine universel, Kateb Yacine, à travers le colloque qui lui est consacré cette semaine, est revenu pour crier que l'intelligence est en poudre.