Le ministère de la Jeunesse et des Sports (MJS) exerce, depuis plusieurs semaines, un forcing pour amener la Fédération algérienne de football (FAF) à accepter un toilettage de ses statuts. Au plan formel, le but visé par le département dirigé par Yahia Guidoum est d'obtenir notamment une augmentation du nombre de ses représentants au sein de l'Assemblée générale de la plus haute instance footballistique du pays (une A. G. avec 1/3 de fonctionnaires MJS) et amener les dirigeants de la FAF à n'exercer, à l'avenir, qu'un seul mandat. Officiellement, le MJS explique son « ingérence » dans les affaires internes de la Fédération algérienne de football par son souhait de rendre son lustre d'antan au sport roi et de mettre de l'ordre dans la gestion de la balle ronde. Les arguments avancés par Yahia Guidoum et son équipe d'experts - qui ont dans leur serviette un décret déjà prêt à l'emploi - n'ont cependant pas été reçus avec le sourire par les représentants de la FAF et les présidents de club. Cela pour deux raisons. Primo : l'intrusion des fonctionnaires du ministère de la Jeunesse et des Sports dans la gestion du football est contraire aux statuts de la FIFA. L'organisation de Joseph Blatter reste, en effet, intraitable sur la nécessité d'assurer un fonctionnement démocratique au sein des associations (des fédérations, ndlr) qui lui sont affiliées. En ce sens, le décret visant à revoir le fonctionnement de la FAF - que projette de promulguer Yahia Guidoum - est actuellement perçu à Zurich comme une tentative de contrôle et de mise au pas du football national par les autorités politiques du pays. Et dans l'état actuel des choses, il est à craindre que les responsables du football mondial décident, sans états d'âme, de suspendre l'EN et les clubs algériens des compétitions internationales, dans le cas où le MJS irait au bout de sa logique. Hier encore, le président de la FIFA, Joseph Blatter, a averti, depuis Leipzig, que la FAF pourra être suspendue à partir du 23 décembre si elle n'a pas tenu d'ici là son assemblée élective. « La fédération algérienne sera suspendue à partir du 23 décembre, si son assemblée ne se tient pas d'ici au 22 décembre, conformément aux statuts de la FIFA », a déclaré le patron de la FIFA. Secundo : L'idée du ministère de la Jeunesse et des Sports de faire « revenir » le football algérien sur la scène internationale par la manière forte est, de l'avis des spécialistes, injustifiée dans la mesure où l'Etat dispose déjà d'un arsenal de textes juridiques impressionnant lui permettant de demander des comptes au bureau fédéral de la Fédération algérienne de football et aux présidents de club, à n'importe quel moment. Surtout lorsqu'il s'agit de vérifier l'usage fait des deniers publics. En ce sens, il ne tient qu'au fisc de mettre un terme au phénomène de la « chkara » (le sac, ndlr), qui a commencé à gangrener le sport roi depuis plusieurs années déjà, et d'obliger les clubs de l'élite et les formations des divisions inférieures à se conformer aux règles de gestion communément admises. Certes, les clubs de « foot » sont des entreprises qui doivent rapporter de l'argent. En contrepartie, ceux-ci sont tenus de garantir la qualité du spectacle et de se conformer à des règles de gestion transparente. Au-delà, il parait sage et utile de garder à l'esprit que nul ne peut se vanter de connaître l'intérêt des clubs aussi bien que les présidents des clubs eux-mêmes. Le recrutement par certaines équipes de nationale Une d'entraîneurs et de joueurs étrangers prouve, d'ailleurs, que notre football n'est pas complètement bloqué. Au contraire, il promet des perspectives intéressantes si l'on n'encombre pas son parcours d'obstacles insurmontables. Il est entendu que la plus grande des embûches étant la gestion bureaucratique et politique de la chose footballistique. Aussi, la tentation des pouvoirs publics de remettre leur « nez » dans le football risque, à nouveau, de déboucher sur l'instauration d'un assistanat et d'un dirigisme sportifs qui n'aidera assurément pas les clubs à être plus compétitifs. Pour espérer voir, à nouveau, le drapeau national hissé haut lors des compétitions internationales, il semble que c'est plutôt la démarche inverse qu'il conviendrait d'adopter. En d'autres termes, cela veut dire que le bout du tunnel, pour le football algérien, se trouve nulle part ailleurs que dans le professionnalisme. Aujourd'hui, il est surtout attendu de l'Etat de montrer la voie en laissant les clubs voler de leurs propres ailes. Une fois cela acquis, il est à parier que les plus forts d'entre eux n'attendront pas de se faire prier pour représenter « dignement » le pays.