Si l'ambassadeur de l'Union européenne (UE) à Alger, Lucio Guerrato, estime que la petite corruption constitue un danger plus grave que la grande corruption, parce qu'elle rompt le principe de confiance entre les gouvernés et les gouvernants, les représentants des ONG de lutte contre ce fléau affirment, pour leur part, qu'elle soit grande ou petite, la corruption représente un véritable danger pour les règles de l'économie libérale et le développement. C'est l'idée principale qui a marqué, hier, le débat du colloque maghrébin consacré à « La transparence dans les affaires, condition pour le développement de l'économie et de la société civile », organisé à la résidence Moncada à Alger, à l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre la corruption (qui coïncide avec le 9 décembre de chaque année) par la fondation allemande Friederich Naumann, avec la participation de Tranparency International (TI) et de l'Union européenne. Ont pris part aux travaux qui s'achèvent aujourd'hui avec l'élaboration de recommandations, des représentants de Transparency Maroc, et Algérie, ainsi que des universitaires tunisiens, le porte-parole de l'Office de lutte antifraude (OLAF) européen et deux consultants allemands en médias et en coopération. M. Guerrato a jugé plus importante « la lutte contre la petite corruption qui existe dans, par exemple, les bureaux de poste, des douanes, de la commune, et qui casse les règles sociales et provoque la rupture de confiance entre les citoyens et les gouvernants. La combattre c'est revoir la perception du service public ». Représentant de TI en Algérie, Djillali Hadjadj, président de l'Association algérienne de lutte contre la corruption (ACC), a exprimé son désaccord avec ce principe, estimant qu'« il n'y a pas de petite ou grande corruption, mais de corruption tout court ». Il a cité le cas de l'Algérie, dont la situation est qualifiée de « catastrophique » du fait de son classement ces trois dernières années parmi les pays les plus corrompus. Il a précisé que l'Algérie a, certes, manifesté une volonté de lutter contre le fléau, à travers ses discours et la signature (parmi les 10 premiers pays) de la Convention internationale de lutte contre la corruption, et son engagement à adapter sa législation, « mais le projet de loi débattu au sein de l'assemblée n'arrive toujours pas à être adopté ». Il a rappelé la signature en 2003, par l'Algérie, de la convention africaine de lutte contre la corruption, sans toutefois la ratifier. M. Hadjaj s'est interrogé sur le fait qu'il n'existe pas de relations commerciales importantes entre l'Algérie et les pays nordiques, considérés par TI comme étant les moins corrompus dans le monde. Il a estimé que le score « effrayant » détenu par le pays, renvoie toujours à la question de démocratie, en général et à la justice, en particulier. Créée en 1996, la section de TI au Maroc a fêté ses dix années, deux ans, après avoir reçu l'agrément des autorités. Son président, Mustapha Zenaidi, journaliste à Al Bayane, a fait état de son combat pour « La moralisation de la vie sociale ». Chaque jour, la presse fait état de scandales, le dernier est celui lié au détournement de l'équivalent de 4 milliards de dollars des caisses de la sécurité sociale. » Sa collègue a affirmé qu'entre 2002 et 2003, « 111 affaires, liées à la corruption, au détournement de deniers publics, ont été traitées par la justice. » Elle a rappelé le cas de la dilapidation des caisses de la sécurité sociale, en avançant une somme de 105 millions de dollars détournés. Pour elle, ces sommes représentent « 32 % du budget de l'Etat, 30 % du PIB et auraient pu servir à la construction de 1 million de logements ou de 120 écoles ». Elle a ajouté que 30% de la corruption dans le monde touchent les pays arabes. « Dans les pays arabes, les contrats les plus importants sont ceux de la défense et de la sécurité. Aucune structure de contrôle de ces achats n'existe dans nos pays respectifs », a noté, le représentant de TI pour le Maroc. Pour ce qui est de la Tunisie, son représentant, El Frioui Mohamed, universitaire, s'est contenté d'un cours académique sur le phénomène de la corruption. Interrogé sur l'existence de ce fléau dans son pays, classé en bonne position par rapport au Maroc et à l'Algérie, il a répondu : « Toute la rue en parle, mais pas officiellement au niveau des médias ou de la justice parce qu'il n'y a pas de preuves. » Une réponse qui a poussé un représentant de TI à déclarer : « Le classement des pays par TI est lié à l'indice de perception de ce phénomène par l'organisation. C'est-à-dire lorsque le phénomène est largement médiatisé à travers des scandales. » Ce qui, en conséquence, permet aux pays où la presse est bâillonnée d'obtenir la meilleure place.