Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui s'exprimait lors d'une conférence de presse, à l'occasion de la tenue du conseil national du Rassemblement national démocratique (RND), en qualité de secrétaire général de ce parti, ferait-il de la résistance à Bouteflika ? C'est ce que laissent suggérer – du moins dans une lecture au premier degré – certaines petites phrases lancées à la cantonade où l'on pourrait comprendre que Ouyahia ne serait plus sur la même longueur d'ondes que Bouteflika aussi bien sur l'opportunité que sur le contenu des réformes politiques à engager dans le pays. Après avoir défendu avec force l'idée selon laquelle les préoccupations des Algériens sont plus d'ordres économique et social que politique, avant d'applaudir chaleureusement les réformes politiques annoncées par Bouteflika, le RND et son secrétaire général se rebiffent et apportent un bémol au soutien sans condition aux intentions de réformes affichées par Bouteflika. «La lecture faite de l'intention des réformes s'est faite dans un cadre restreint», a relativisé Ouyahia relevant qu'aucun parti politique n'a été consulté à cet égard. Mais que son parti répondra présent pour apporter sa contribution au débat sur tous les aspects des réformes. Même s'il enfonce des portes ouvertes, surtout avec la santé physique déclinante de Bouteflika et les révolutions arabes qui ont mis un terme aux principes sacro-saints de pouvoir absolu et de présidence à vie dans les régimes en place, Ouyahia s'est donné la permission de parler à la place de Bouteflika. Pour décréter que le chef de l'Etat «n'a pas été élu pour être président à vie». Ce discours ambivalent, qui invite au jeu de devinettes pour qui veut cerner l'intention cachée, sera servi à profusion par le secrétaire général du RND au cours de cette conférence de presse. Comme cette «confidence» faite aux journalistes de défendre avec vigueur le régime présidentiel dans la perspective de la révision constitutionnelle, même si la préférence du président Bouteflika serait pour le régime parlementaire. Puis vint la question fatidique d'un journaliste sur les ambitions présidentielles de Ouyahia pour 2014, qu'il évacuera par une réponse lapidaire dans le plus pur style de l'homme : «Je ne suis pas de ceux qui mettent la charrue avant les bœufs», a-t-il assené. Une formule classique d'un candidat non déclaré. Que faut-il comprendre et conclure de toutes ces digressions où Ouyahia n'hésite pas à impliquer dans le débat le président Bouteflika sans qu'il en soit mandaté ? Le fait qu'Ouyahia se place dans cette posture politique claire-obscure en jouant dans la cour présidentielle sert-il le président Bouteflika ou la promotion personnelle du Premier ministre ? Le secret de la longévité politique de Ouyahia ne tient-il pas à sa loyauté sans faille envers le pouvoir et les présidents successifs sous la responsabilité desquels il a eu à travailler ? Durant son long parcours politique, il ne s'est autorisé aucun commentaire ni décision de nature à semer le doute ou la confusion dans les esprits sur l'homogénéité du pouvoir. Il ne s'exprime que lorsqu'il est invité à le faire, pour combler un déficit en communication de l'institution présidentielle sciemment entretenu. Ses dernières déclarations sur les intentions de Bouteflika en matière de réformes politiques préfigurent-elles un repositionnement en filigrane de certains acteurs du sérail, dont Ouyahia, dans les batailles politiques et électorales futures ? Ou bien participent-elles d'une stratégie du pouvoir visant à entretenir l'idée (l'illusion ?) que le débat sur la nécessité des réformes politiques est une conviction partagée au sein du pouvoir ? Que le jeu politique et électoral est ouvert ? Un gage politique qui vaut son pesant d'or dans cette conjoncture où la pression extérieure sur les régimes arabes pour engager des réformes démocratiques n'a jamais été aussi forte.