Le secteur des médias en Algérie a connu depuis 1986/87 une double démonopolisation. La première, subie et recherchée, a été confortée par l'innovation des techniques de diffusion et de la réception satellitaire. De force, contre le monopole d'Etat, des télévisions et radios des autres ont pénétré les foyers du pays, dans des dimensions incommensurables. Ces médias, même parlant arabe algérien et tamazight, ne sont que des ersatz de ce que la société algérienne cherche pour satisfaire son droit à l'information. La seconde turbulence contre ce monopole de la parole s'est concrétisée, en 1990, par la création de journaux de droit privé. Pas moins d'une quarantaine de titres quotidiens sortent aujourd'hui dans le pays. Mais toujours aucune radio ni télé n'est éditée sous ce droit, alors que dans de nombreux pays d'Afrique, pour rester dans la raison de la comparaison, ces médias existent ; pour le meilleur et le pire. Un zoom sur l'état de nos médias nous donne aussi l'image des lignes de fracture, signifiées d'abord par une accaparation totale, voire totalitaire, des médias audiovisuels par l'Exécutif : jusqu'à la caricature de ces jours-ci de la mascarade de campagne électorale en Kabylie. Et, côté presse privée, le pire du sensationnel, de la vénalité et plein d'autres maladies infantiles du journalise est étalé chaque matin avec aussi les rares rayons de lumière disant un peu la tragédie nationale sinon la complexité de son évolution. Ces dérives sont le produit d'une situation d'anomie, dans le fond voulue par les pouvoirs publics. Pas de loi, pas de ministère de la communication, pas de service mesurant les audiences et les recettes publicitaires des journaux, pas plus (dans la majorité des journaux) de convention de travail entre employeurs et journalistes : tout cela conforte le laisser-faire / laisser passer propice d'abord au mépris des règles du devoir d'informer. Dans un contexte où les journalistes n'ont aucune structure représentative de défense de leurs intérêts, matériels et moraux de la profession. Car dans les réalités autant le SNJ que le Conseil de l'éthique n'existent plus que dans les archives. Contre l'autoritarisme et la marchandisation happant la vie des médias il y a d'abord à mener une réflexion approfondie, pour imaginer et tracer des chemins de leur développement. Il faut établir un agenda de régulation du secteur, commençant par la mise en place d'une commission indépendante de réflexion et de proposition sur une loi réanimant ce que celle de 1990 avait de novateur. En particulier l'imposition de cahiers des charges aux entreprises, et la liberté d'éditer sur simple déclaration une nouvelle publication. A charge de respecter les obligations afférentes. Ce travail, forcément collectif, en tout cas appelant à la mise en synergie, doit être le fruit d'au moins trois lignes de tension assumées et respectées qui traversent le secteur. Parce que ce domaine de la vie économique, sociale et culturelle se développe, et partout à travers le monde, par le biais de ses entreprises qui ne sont pas seulement productrices d'une simple marchandise mais aussi de valeurs symboliques. Ces valeurs sont au cœur des combats permanents de la société sur les chemins de la démocratie ; elles ne peuvent être produites, mises en circulation entre les citoyens que si les entreprises publiques et privées du secteur souscrivent au principe de la responsabilité sociale.