Quelle architecture adopter pour les prisons afin qu'elles puissent garantir non seulement le principe de sécurité mais également les meilleures conditions pour un espace social non contraignant ? C'est autour de cette question que le débat a été ouvert, hier, à l'hôtel Mercure, à Alger, lors d'un séminaire international organisé par le ministère de la Justice, parrainé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et auquel ont pris part des experts français, italiens, espagnols, canadiens, britanniques, belges ainsi que des juges d'application des peines et des architectes algériens. Dans un long discours, perturbé par des coupures de courant (à trois reprises), ayant privé les invités étrangers de la traduction, le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, est revenu sur la réforme de l'administration pénitentiaire, une nécessité, selon lui, du fait des grandes carences dont souffre le secteur. « La prison est une ville en miniature, où résident des personnes qui n'ont choisi ni le lieu ni le voisinage. Ce qui rend sa gestion très difficile. De ce fait, pour la construire, il faudra prendre en considération ces deux paramètres dans le but de faire l'équilibre entre l'intérêt de la société que constitue l'arrestation du prévenu, pour le mettre sous un régime de vie particulier à l'intérieur de la prison et le droit de ce dernier à de bonnes conditions humaines. » Le ministre est revenu sur la situation actuelle des établissements pénitentiaires et qui reste encore très loin des normes internationales requises. Selon lui, l'exiguïté des lieux, l‘absence de conformité avec l'impératif de la séparation entre les catégories de détenus ainsi que leur mauvaise répartition géographique sont les principaux critères qui caractérisent le parc pénitentiaire et « qui, aujourd'hui, ne répondent pas aux normes et ne peuvent permettre la concrétisation des objectifs de la réforme ». Pour y faire face, le ministre a indiqué qu'un programme de construction, d'ici 2009, de 51 établissements d'une capacité de 36 000 places a été adopté par le gouvernement, parmi lesquels 11 chantiers répondant aux nouvelles normes internationale, ont déjà été lancés pour voir les travaux s'achever entre 2007 et 2008. Pour sa part, le représentant du PNUD, Marc Destanne de Bernis, a beaucoup plus mis en exergue le programme de réhabilitation et de construction de prisons en Algérie qu'il a salué du fait que, selon lui, « il peut servir d'exemple » à d'autres pays. La première intervention a été consacrée à l'état des lieux des établissements pénitentiaires présenté par un représentant du ministère de la Justice. Selon le conférencier, le secteur est composé de 10 établissements de réadaptation, 35 établissements de rééducation, 80 établissements de prévention et 2 centres pour mineurs. « Il y a lieu de signaler que 29 établissements ont été conçus initialement à d'autres fins. La vétusté, l'exiguïté, la conception de ces infrastructures sont autant de facteurs qui engendrent des dépenses colossales et qui alourdissent celles de l'Etat. Les travaux de réfection, de confortement et d'aménagement ont coûté 300 millions de dinars, en 2003, 410 millions de dinars en 2004 et 400 millions de dinars en 2005. » La construction de 51 établissements doit répondre, a-t-il ajouté, aux nouvelles exigences en matière de sécurité, de modernisation, de fonctionnement, de condition de détention et de respect des droits de l'homme. « Il nous faut concilier entre la garantie de sécurité, la mise en place d'espaces nécessaires à l'application de la peine privative de liberté, suivant le standard international qui favorise la réinsertion sociale du détenu afin d'atténuer le phénomène de récidive. » L'expérience canadienne, exposée par Christopher Posner, a focalisé le débat. Le conférencier a affirmé qu'au Canada, l'intérêt est beaucoup plus porté sur les détenus condamnés à plus de deux ans, classés selon le niveau de sécurité, minimum (20% de la population carcérale), moyen (60%) et maximum (20%). « La construction des prisons répond à l'impératif de la facilité de survie avec moins de contraintes », a-t-il déclaré. Le directeur général de l'administration pénitentiaire, Mokhtar Felioune, a déclaré à la presse que « les nouvelles prisons auront une moyenne de 9 m2 par détenu, avec les douches et sanitaires compris, notons toutefois que cette superficie différera lorsqu'il s'agira de salle commune ». Le responsable a affirmé que plusieurs prisons vont être fermées sans toutefois avancer une quelconque échéance. « Il se pourrait qu'il y ait des établissements qui au lieu d'être fermés vont être réadaptés. » A signaler que les travaux de ce séminaire se sont poursuivis en ateliers et se termineront aujourd'hui.