Après le pain, c'est à présent le prix du lait qui fait débat. Ce dernier ne fait pas l'unanimité parmi les producteurs de cette denrée. Du côté des producteurs privés, du moins ceux affiliés à l'Union générale des commerçants algériens (UGCAA), le prix actuel est loin de refléter la réalité du marché. La révision à la hausse du prix actuel du lait en sachet à un niveau minimum de 30 dinars le litre est, pour eux, le seul préalable pour continuer à travailler, voire survivre. Une revendication qu'ils estiment justifiée eu égard à la montée des cours de la matière première (poudre de lait et matière grasse) sur le marché mondial. La tonne actuelle de poudre de lait avoisine aujourd'hui, selon la saison, les 2350 dollars. Tandis que pour la matière grasse, elle est cédée autour de 2700 dollars la tonne. Du côté des producteurs publics représentés au sein du Groupe industriel des productions laitières (GIPLAIT), les arguments mis en avant par les privés restent " relatifs ". Pour Mouloud Harim, membre du Directoire Giplait, " c'est beaucoup plus le fait de ne pas tourner à plein régime qui pénalise les laiteries du groupe". D'une capacité de production de 1,4 milliards de litres dont 1,1 milliards de lait en sachet, 73 millions de lait fermenté et 193 millions de produits laitiers, le groupe Giplait avec ses 19 usines de production ne produit aujourd'hui que 560 à 580 millions de litres tous produits confondus. Ce qui représente à peine 50% de sa capacité de production. " Il a fallu que nos laiteries augmentent leur production de 30% au mois de Ramadan, où la demande est plus forte, pour qu'elles deviennent bénéficiaires ", note le responsable. En dehors du moi sacré, explique-t-il, " Nous produisons en fonction de nos part de marché, nous ne pouvons pas produire à pleine capacité et stocker, le lait est un produit périssable ", explique le responsable. L'ouverture et la libéralisation de la filière lait ont permis l'installation de plusieurs laiteries privées sur le marché mettant ainsi fin à la situation de monopole du secteur public. Une situation de concurrence qui a rogné sensiblement dans la part du marché de Giplait. " Depuis l'ouverture du secteur nous perdons en moyenne 8% de parts de marché chaque année " indique M Harim. Une perte de part de marché que notre interlocuteur impute surtout à une concurrence déloyale de la part du privé. " Distribution Les distributeurs qui se sont fait constituer un réseau de commerçants en travaillant pendant plusieurs années avec nous, nous ont déserté du jours au lendemain pour aller distribuer les produits de nos concurrents qui, bien évidement leurs offraient une meilleure marge ", précise-t-il. Une marge que la loi a pourtant fixé à 0,75 dinar le litre pour le distributeur. La même loi fixe également le prix du litre de lait à la sortie de l'usine, la marge du détaillant et le prix à la consommation. Il sont respectivement de 23,35 DA, 0,90 DA, et de 25 DA. Pour le membre du directoire de Giplait, avec un prix de 23,35 DA le litre " on gagne presque rien " dans l'état actuelle des choses. " Moi je ne voudrais pas qu'on me dise demain que vous êtes entrain de vendre de l'eau " souligne Mouloud Harim. Allusion faite à ceux qui trichent sur la composition du lait en sachet pour qu'ils rentrent dans leurs frais. Mais la question qui se pose actuellement, s'interroge notre interlocuteur, c'est : " comment ça se fait que les producteurs privés demandent l'augmentation des prix de lait à 30 ou 40 dinars le litre alors qu'en même temps, ils se permettent de transporter le lait sur des centaines de kilomètres et de le vendre moins cher ". Aujourd'hui, révèle le responsable," nous avons des laiteries à Aïn Defla, à Khemis Miliana et Chlef qui sont concurrencées par des laiteries privées d'Alger ". Cela veut dire, déduit-t-il, " que ces laiteries privées ont encore des marges puisqu'elles se permettent de transporter leur lait sur des distances aussi éloignées, sinon comment ils font pour s'en sortir ". Avec 23,35 Da le litre (quai usine), " il nous est très difficile d'assurer les équilibres, connaissant le prix des matière première actuellement " indique encore fois, le responsable en précisant toutefois que si aujourd'hui, ces mêmes équilibres sont, un petit peu, assurés par le groupe Giplait, c'est grâce à l'intégration du lait cru. "La politique actuelle du Groupe est orientée vers la substitution du lait cru à la poudre de lait importée. Nous avons crée une structure d'agro élevage au niveau du groupe et nous sommes entrain de mettre tous les moyens au niveau de nos laiteries pour collecter le maximum de lait cru. Là où il y a un litre de lait, nous sommes à sa recherche", nous informe M Harim. Arrêter l'importation Cette nouvelle stratégie est, dit-il, bénéfique au groupe à plus d'un titre. " En travaillant avec du lait cru, nous avons un produit de meilleure qualité et surtout moins cher vu le niveau des prix de la matière première " explique le manager qui estime qu'au lieu d'augmenter le prix du lait, il est préférable plutôt de " donner le maximum d'aides aux éleveurs et aux collecteurs dans la filière de production du lait cru et maintenir un niveau raisonnable des prix pour les laiteries ". Prés de 120 millions de litres de lait cru sont collectés cette année par le Groupe Giplait qui prévoit d'augmenter cette quantité pour 2006. " Nous envisageons d'arrêter carrément l'importation de la poudre de lait si nous arrivons à collecter des quantités très importante en lait cru ". Malgré tous les aléas et contraintes qui se dressent aujourd'hui devant la filière de lait en Algérie, vendre de lait, conclut Mouloud Harim, reste une activité " rentable pour vue qu'on se donne tous les moyens nécessaires à son développement ".