Les soubresauts qui secouent la filière lait ne semblent pas s'estomper à l'annonce d'une subvention de l'Etat de plus de 10 milliards de dinars destinée à importer la poudre de lait. Bien au contraire. Cette nouvelle mesure, semble-t-il, vient semer la discorde entre producteurs publics et privés. Ces derniers s'estiment lésés, pour ne pas dire rejettent fermement l'idée de la subvention et demandent à ce que les prix du lait pasteurisé soient libéralisés. C'est, en tout, la conclusion qu'on peut tirer de la rencontre-débat organisée, hier au forum d'El Moudjahid, autour de la filière lait. En effet, les industriels du lait disent avoir pris acte de la décision du gouvernement de créer un Office national du lait avec une double régulation, soit l'approvisionnement et les subventions, et proposent d'évaluer successivement ces deux instruments en termes d'efficacité, de faisabilité et de coût. La Confédération des industriels et producteurs algériens (Cipa) par la voix de son président, M. Mehenni Abdelaziz, dénonce "l'opacité qui entoure la question des subventions" et déplore le mutisme des pouvoirs publics, particulièrement du ministère du Commerce. Dalila B. "Nous nous sommes adressés à la chefferie du gouvernement et au ministère du Commerce et à ce jour, on n'a reçu aucune réponse", dira le président de la CIPA et d'ajouter, "même la question des subventions et les six milliards, nous l'avons apprise par la presse". De son côté le président de la fédération nationale de la filière agro-alimentaire affiliée à l'UGTA, M. Abdelwahab Ziani s'interroge sur les modalités et les formes de ces subventions. "On ne sait pas sous quelles formes ces subventions vont être allouées, quels sont les mécanismes mis en place, et les risques de télescopage entre cet office du lait et la filiale Milk Trade de Giplait, etc.", a-t-il dit. Dans le même contexte, le président du FCE (forum des chefs d'entreprise), M. Hamiani, a souligné que les nouvelles mesures prises par les pouvoirs publics ont besoin d'être éclaircies. S'agit-il de subventions temporaires, à rembourser sur échéances, ou de subventions à caractère définitif, et là encore, dira le président du FCE, la démarche va à contre-courant des nouvelles règles dictées par l'économie de marché. Autrement dit, la situation ne s'améliore pas pour autant pour la filière lait. Car à ce jour, les unités de production adhérents à la Cipa, sont à l'arrêt, 70 en tout. C'est ce qu'a affirmé le président de la Cipa. "Toutes les lignes de mise en sachets du lait administré sont à l'arrêt" a-t-il dit. Ce sont 6.000 emplois directs et une contribution au trésor public de 17 milliards de dinars. En d'autres termes, on est encore loin de sortir de la crise. Les difficultés sont multiples et n'ont pas trait uniquement au fait que le prix de la poudre de lait ait connu une hausse sur le marché mondiale. Car, en dehors de ces fluctuations des prix de la matière première, se pose la problématique du lait cru. Pourquoi les industriels n'utilisent-ils pas le lait cru ? Des éleveurs et producteurs présents au forum d'El Moudjahid diront que le lait cru n'est pas disponible en quantités suffisantes. Ils diront même que l'idée d'importer 50 000 vaches laitières est une illusion pour la simple raison qu'il faudra les nourrir et les entretenir, ce qui n'est pas du tout évident pour un éleveur dans l'état actuel des choses. Certains iront jusqu'à dire, qu'il faut rompre avec le gaspillage et orienter les subventions vers l'ensemble des maillons de la chaîne. M. Cherif Ould Hocine, président de la Chambre nationale de l'agriculture (CNA), venu assister au débat, n'a pas pu s'empêcher d'intervenir et tenter de convaincre l'assistance de la faisabilité du programme des 50 000 vaches en avançant quelques chiffres sur la collecte de lait cru et l'élevage bovin en Algérie. En définitif, rien n'est encore acquis pour la filière lait encore moins pour le consommateur qui continuera certainement à subir les conséquences de la spéculation.