Les prix des produits et services importés, qui ont déjà subi d'importantes hausses durant l'année 2010, sont appelés à renchérir encore davantage durant l'année en cours. Plusieurs facteurs y concourent, à commencer par l'effondrement de la parité du dinar face à l'euro et l'envolée des prix de nombreux produits industriels et agricoles au niveau des pays fournisseurs. L tendance haussière due à ces facteurs sera exacerbée par une importante poussée de la demande intérieure que l'on doit en grande partie aux massives augmentations de salaires facilement octroyées ces derniers mois à la pléthore d'employés du secteur public pour calmer un front social en ébullition.Le surcroît de pouvoir d'achat ainsi obtenu sera évidemment déversé sur le marché des biens de consommation qui ne pourrait, à l'évidence, répondre à une aussi forte et subite tension. La pénurie de certains produits, déjà constatée, a toutes les chances d'atteindre une plus large gamme de marchandises pour la simple raison que le mode de paiement des importations exigé de tous les importateurs est le crédit documentaire qui exige comme on le sait un délai de mise en place pouvant dépasser trois mois et la disponibilité immédiate des moyens de paiement requis. Si la lenteur de la mise en place du Credoc contribue à ralentir les flux d'approvisionnement, l'obligation de la disponibilité immédiate des moyens de paiement contribuera pour sa part à les réduire au gré du pouvoir d'achat des importateurs très fortement affecté par l'effondrement de la valeur du dinar constatée ces derniers mois aussi bien sur le très officiel marché interbancaire des changes que sur le marché informel de la devise. Les produits importés plus chers En l'espace d'une année et demie, l'euro, qui sert de monnaie de compte pour environ 80% des importations, est, en effet, progressivement passé de 90 DA à 106 DA pour un euro sur le marché interbancaire et 105 DA à 145 DA pour un euro sur le marché parallèle de la devise. Ce sont donc de sérieuses pertes de pouvoir d'achat que les importateurs ont subies du fait de cet effondrement sans précédent de la parité du dinar. Des pertes que ces derniers se dépêcheront, évidemment, de compenser en vendant plus cher les produits importés. Les mêmes causes produisant les mêmes effets (hausses des prix sur les marchés internationaux, explosion de la demande de devises sur le marché parallèle et tension sur la demande intérieure de produits de consommation résultant des augmentations de salaires), les prix des marchandises et services importés (à l'exception de ceux soutenus par l'Etat) vont désormais s'inscrire dans une logique de hausse pouvant atteindre des niveaux insoupçonnés. Les bénéficiaires d'augmentations de salaires se verront ainsi reprendre d'une main les avantages qu'on leur avait octroyés d'une autre main. Les productions industrielles et agricoles n'étant pas en mesure de satisfaire toute la demande intérieure, la tendance à importer chaque année un peu plus a toutes les chances de se poursuivre et, sans doute, de s'exacerber durant de longues années encore avec tout ce que cela comporte comme risques de surenchères sur les prix. Pour calmer le front social, les pouvoirs publics seraient alors contraints de réajuster le pouvoir d'achat des travailleurs par des augmentations de salaires essentiellement financées par le budget de l'Etat, en bonne partie alimenté par la fiscalité pétrolière. Pour satisfaire le plus grand nombre, l'Etat est alors contraint de réduire constamment la valeur du dinar par rapport aux devises fortes, quitte à ce qu'elle devienne, comme cela commence à être malheureusement le cas, de la «monnaie de singe». Ce regain de l'inflation qui pourrait dépasser 5% durant l'année en cours (il était de 4,3% en 2010), selon les estimations du FMI, constituera à l'évidence un véritable casse-tête pour les pouvoirs publics algériens qui seront contraints de revoir à la baisse leurs prétentions en matière de programmes de développement, de soutien des prix des produits de première nécessité et de stabilisation du dinar. La paix sociale en grande partie assurée par ces trois facteurs de stabilité qu'il sera désormais difficile de garantir, pourrait ainsi se détériorer à terme, avec tout ce que cela comporte comme risques de dérapage.