L'orientation obligatoire des élèves éjectés des filières scientifiques et mathématiques, faute de moyenne requise au bac, vers la philosophie est une aberration qui hypothèque leur avenir. Décortiquer les inextricables problématiques qui confinent l'enseignement de la philosophie en Algérie dans une léthargie manifeste et donc une régression permanente, c'est mettre le doigt sur l'origine du mal qui ronge cette discipline et sa pratique. C'est justement dans le sillage de cette approche que l'élaboration d'un diagnostic serein et sans complaisance a été inscrite à l'ordre du jour du 2e colloque national sur la réalité et les perspectives de l'enseignement de la philosophie en Algérie, qui se déroule, les 18 et 19 avril, à l'amphithéâtre de l'école normale supérieure de Constantine (ENSC). Cet important colloque, qui a vu la participation de représentants de 6 centres universitaires, 3 ENS et un lycée, a été rehaussé par la présence de Mahmoud Yacoubi, actuellement enseignant de philosophie à l'ENS de Bouzereah (Alger), considéré comme le doyen de l'enseignement de la discipline et fondateur du premier corpus sur la rationalité en Algérie. Ses nombreux travaux et traductions d'éminents philosophes restent uniques, car rédigés avec un souci didactique permanent, ils restent les seules références de l'enseignement de la discipline dans nos lycées et universités. Dans son intervention, M. Yacoubi s'est montré très critique à l'égard de cet enseignement, mais surtout de l'actuel système éducatif qui est la cause, selon lui, d'une régression aux conséquences lourdes. L'orientation obligatoire des élèves éjectés des filières scientifiques et mathématiques, faute de moyenne, requise au Bac vers la philosophie est une des aberrations qui hypothèque l'avenir et des apprenants qui n'y sont pas prédisposés, et de la discipline. Et c'est à ce niveau déjà que la politique du système éducatif national pèche, car elle instaure une rupture dans l'épistème même de l'enseignement philosophique en l'éloignant de manière inique de la science et des mathématiques. «Les vrais philosophes sont avant tout des scientifiques, ils ont étudié la physique, les maths ..., pour ensuite aboutir aux questionnements métaphysiques», soulignera M. Yacoubi. A cet hiatus qui chahute gravement la transmission du savoir philosophique s'ajoutent l'absence d'une maîtrise de la langue autant pour l'enseignant que pour l'élève et l'insuffisance d'une documentation appropriée et de sa réactualisation constante, car les concepts philosophiques changent, évoluent, se vident ou dévient de leur sens, ils sont au diapason du mouvement perpétuel de la vie. Ce colloque qui sera ponctué par des recommandations attendues avec un grand intérêt par l'ensemble des participants, présentera durant deux journées, 27 conférences sur l'enseignement de la philosophie à l'université, à l'ombre du système LMD, dans les lycées, les programmes de l'ENS, l'enseignement des sciences sociales… Autant de thématiques, aussi pertinentes les unes que les autres, pour voir quelles seraient les perspectives véritables de cet enseignement.