La dernière apparition du président de la République à la télévision lors du discours adressé à la nation relance les questionnements sur sa capacité à gouverner. Le secret demeure jalousement gardé sur la santé du chef de l'Etat au mépris du droit qu'ont les Algériens d'en être informés. Une semaine après le discours du chef de l'Etat à la nation, l'opinion publique se pose beaucoup de questions sur l'image d'un Abdelaziz Bouteflika visiblement très affaibli physiquement que sur le contenu de son allocution. Pour beaucoup d'observateurs de la scène politique nationale, la sortie du président de la République a été également un ratage sur le plan de l'image. Les Algériens, scotchés devant leur écran, découvrent avec étonnement un Président éreinté. L'image était pathétique. L'entourage du Président cherchait-il, à travers cette image, compassion et pitié chez une opinion publique très remontée ? Ou plutôt d'autres cercles au sein du pouvoir auraient-ils voulu à dessein montrer un Président dont l'état de santé rendrait difficile l'exercice de sa mission à la tête de l'Etat ? Bouteflika a-t-il été piégé ? Les voies du régime sont impénétrables. Il est évident que la responsabilité politique du chef de l'Etat est entièrement engagée dans l'impasse dans laquelle le pays est coincé. Il cristallise toutes les critiques. Face à une colère sociale pressante et l'exigence du changement de régime, Abdelaziz Bouteflika, 74 ans, reste incapable d'apporter des réponses convaincantes. D'où la probabilité de compenser ce déficit par la recherche d'un élan de commisération en sa faveur. Jouer, en quelque sorte, sur la fibre sensible du peuple. Assurément, le troisième mandat de Abdelaziz Bouteflika n'a pas été celui d'une Algérie «forte et sereine» promise lors de la campagne pour la dernière présidentielle. La société est secouée par les crises multiples. Des malaises partout. Le premier trimestre de l'année en cours a été incontestablement celui de toutes les contestations politiques et sociales. Après douze ans de règne de Bouteflika, le pays se cherche encore. Verrouillage du champ politique, une croissance économique qui peine à démarrer, malgré l'aisance financière, et une situation sociale asphyxiante. Les politologues sont unanimes à dire que «passer plus de deux mandats à la tête de l'Etat serait exposer le pays à des risques majeurs». Ainsi donc, Abdelaziz Bouteflika n'a plus d'arguments à faire valoir. L'échec est patent. Sans doute, les Algériens auront de la compassion pour une quelconque personne malade fusse-t-elle le Président. Mais, cela ne suffit pas pour apporter des solutions à des problèmes concrets auxquels le pays fait face. Un pays ne se gère pas par les émotions. Bouteflika a-t-il les capacités physiques pouvant lui permettre de diriger ? Peut-il encore gouverner ? Pas si simple pour un président malade à la tête d'un régime politique fortement décrié par de larges pans de la société. Il est clair que la détérioration de l'état de santé du Président – la cause de ses longues éclipses – pèse lourdement sur la conduite des affaires. Serait-il dans ce cas-là en mesure d'assurer les arbitrages que lui confère et exige sa fonction dans la phase cruciale que vit le pays en ce moment ? De toute évidence, l'apparition télévisuelle du chef de l'Etat, vendredi dernier, a sérieusement relancé le débat sur la lancinante problématique de l'état physique de Abdelaziz Bouteflika. Ce qui, sans doute, pourrait arranger les calculs de ceux qui, au sein du régime, voudraient accélérer le processus de la succession à la magistrature suprême. Il est vrai que la question de la santé du Président a alimenté toutes sortes de spéculations, depuis son hospitalisation en 2005 au Val-de-Grâce, à Paris. Cependant, à El Mouradia, il faut le rappeler, on a joué le flou aux lieu et place de la transparence, meilleur rempart contre la rumeur et meilleur moyen de rassurer l'opinion publique. La capacité physique d'un président de la République en exercice ne relève pas du domaine du privé. Les Algériens ont le droit d'en être informés. Mais dans un pays où même les affaires qui concernent directement les citoyens sont gérées dans l'opacité la plus totale, il n'est peut-être pas si étonnant que le secret soit si obstinément gardé concernant l'état de santé du chef de l'Etat.