Les autorités syriennes ont étalé, hier, tout leur «savoir-faire» en matière de répression de civils à Deraa, une ville située à 100 km de Damas. Des milliers de soldats appuyés par des chars et des blindés ont massacré, hier, pas moins de 25 personnes qui manifestaient contre le régime dans cette ville frondeuse. Et ce bilan établi par des militants des droits de l'homme reste provisoire tant les moyens de guerre mis en œuvre par Al Assad font craindre le pire. Malgré les incessants appels de la communauté internationale à arrêter la répression des manifestants et à respecter les aspirations populaires à la liberté, les autorités syriennes ont eu recours à la manière forte. C'est un signe que le régime de Bachar Al Assad panique à l'idée de subir la loi de la rue, comme ce fut le cas pour ses congénères Ben Ali et Hosni Moubarak, et sans doute prochainement El Gueddafi et Abdallah Saleh. Après avoir tendu la carotte à ses compatriotes dans son discours où il avait notamment supprimé l'état d'urgence en vigueur de 1963, Bachar Al Assad a cette fois brandi le bâton pour faire rentrer dans les rangs ceux qui contestent son régime. Réaction immédiate : les Etats-Unis ont dit réfléchir à plusieurs possibilités, «y compris des sanctions ciblées» à l'encontre de hauts responsables syriens. A l'ONU, la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et le Portugal œuvrent en vue d'une condamnation de la répression par le Conseil de sécurité et d'un appel pour une enquête indépendante, selon des diplomates.
La carotte et le bâton Et ce n'est pas tout. La haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Navi Pillay, a demandé «l'arrêt immédiat des tueries en Syrie», jugeant «inacceptable» la «réaction violente» du gouvernement à des «manifestants pacifiques» et appelant les autorités à appliquer les «réformes promises». Et de poursuivre : «Le gouvernement a l'obligation internationale légale de protéger les manifestants pacifiques et le droit de manifester pacifiquement.» Mme Pillay a dit aussi avoir reçu une liste des noms de 76 personnes tuées vendredi dernier pendant des manifestations pacifiques. Cependant, elle a observé que le nombre de tués pourrait être «considérablement plus élevé». La communauté internationale «a réitéré ses demandes urgentes auprès du gouvernement syrien d'arrêter» de tirer sur «son propre peuple», «mais ces demandes sont restées lettre morte». Et de constater qu'«au lieu de cela, la réponse du gouvernement a été erratique avec des promesses de réforme suivies d'actes de répression violents contre les manifestants (...) Les tueries doivent cesser immédiatement». Pour Mme Pillay, la première chose à faire «est de mettre un terme immédiat à l'usage de la violence, puis d'ouvrir une enquête exhaustive et indépendante sur les tueries, y compris les meurtres présumés d'officiers militaires et des forces de sécurité et de traduire leurs auteurs en justice». L'ONU condamne Hier, juste après l'intervention à Deraa, près de la frontière jordanienne, la Syrie a fermé ses frontières terrestres avec le royaume hachémite, a annoncé le ministre jordanien de l'Information, Taher Adwan, cité par l'agence Petra. Une information démentie par les autorités syriennes. D'autres opérations des services de sécurité sont signalées à Douma, à 15 km au nord de Damas, et à Al Maadamiyeh dans la banlieue de la capitale. Jeudi, Al Assad a levé l'état d'urgence en vigueur depuis 1963 et annoncé une série de réformes importantes. Néanmoins, les contestataires ont radicalisé leur mouvement. Après avoir exigé la levée de l'état d'urgence, la libération des détenus politiques et la fin de la mainmise des services de sécurité sur la société et de la suprématie du parti unique Baas, ils réclament depuis quelques jours la chute du régime. Mais la riposte d'Al Assad et de son bras armé est terrifiante. Au moins 120 personnes ont été tuées entre vendredi et samedi, selon le Comité des martyrs de la révolution du 15 Mars, dont 95 uniquement durant la journée de vendredi. La terrible répression des manifestants en Syrie a fait environ 390 morts depuis le 15 mars.