Si le soulagement, à l'annonce de la mort de Ben Laden, fait l'unanimité dans le monde entier, tout le monde s'accorde à dire que cela ne signifie pas pour autant la fin d'Al Qaîda et du terrorisme mené sous son label, tandis que la crainte de représailles n'est pas écartée. Paris. De notre correspondante
La première consigne des autorités américaines a été d'appeler à la vigilance. La France a de fortes raisons de se montrer prudente, elle qui a des ressortissants otages d'AQMI dans le Sahel et deux journalistes retenus en Afghanistan. Nicolas Sarkozy a qualifié la mort d'Oussama Ben Laden d'«événement majeur de la lutte mondiale contre le terrorisme». Mais le chef de l'Etat français prévient que «ce n'est pas la fin d'Al Qaîda», ajoutant : «Le combat contre les criminels qui s'en réclament doit se poursuivre sans relâche et rassembler tous les Etats qui sont victimes de ces crimes.» Le Premier ministre français, François Fillon, a, lui aussi, appelé à la prudence, après avoir salué «une victoire pour tous ceux qui luttent contre le terrorisme». «Une étape vient d'être franchie. Le combat contre le terrorisme n'en est pas pour autant terminé et notre vigilance doit être renforcée», a-t-il prévenu. Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a affirmé pour sa part, que la mort de Ben Laden ne signifie pas que «la menace terroriste est effacée». «Il n'en reste pas moins que les structures d'Al Qaîda subsistent, qu'il y a d'autres réseaux terroristes pas forcément affiliés à Al Qaîda, que la menace est importante et qu'il faut continuer la coopération entre les services et les gouvernements des pays démocratiques», a-t-il déclaré sur France Inter. Le ministre de la Défense, Gérard Longuet, a, quant à lui, déclaré sur RTL que la mort du chef d'Al Qaîda pouvait jouer «positivement» sur le sort des deux journalistes de France 3 retenus en Afghanistan. «Le Parti socialiste salue le succès de l'action américaine qui a conduit à la mort de Ben Laden», a indiqué la première secrétaire du PS, Martine Aubry, dans un communiqué. «Une page se tourne aujourd'hui pour le monde, avec la disparition d'un des visages majeurs de la terreur», ajoutant : «Nous savons que le terrorisme ne s'éteint pas (…). Il doit continuer à être combattu avec la plus grande fermeté au niveau international.» Ancien vice-président chargé de la coordination antiterroriste au Palais de justice de Paris, le juge Jean-Louis Bruguière, dans une interview au Figaro, estime que «la mort de Ben Laden ne change rien». «La neutralisation de Ben Laden est sans incidence sur la capacité de nuisance des cellules terroristes qui se réclament de lui. Ses groupes relais vont même se sentir obligés de réagir. C'est une évidence dans la logique manichéenne qui les caractérise. Il est certain cependant qu'ils n'ont plus la capacité de réaliser des campagnes d'attentats aussi élaborées que par le passé. Leurs actions seront probablement opportunistes et non planifiées», a affirmé l'ancien juge antiterroriste. Un autre juge anti-terroriste, Marc Trévidic, a déclaré aux agences de presse que «tout le monde sait bien que cela (la mort de Ben Laden) ne va pas mettre fin au problème, ça va tout de même avoir un impact sur la capacité d'Al Qaîda de renaître un jour comme vrai état-major de commandement en zone pakistano-afghane». A ses yeux, «l'islamisme international perd une capacité d'impulsion», mais pas son potentiel violent, et les groupes affiliés à Al Qaîda vont peut-être se recentrer sur des luttes plus locales. Par ailleurs, «des réactions isolées, un kamikaze, c'est possible, personne n'est capable de le prévoir», dit-il. Invité sur Europe 1, Roland Jacquard, président de l'Observatoire international du terrorisme, a estimé, lui aussi, qu'«il y aura probablement des opérations de représailles et de djihad de la part des différentes composantes d'Al Qaîda».