La position de l'UE (Union européenne) vis-à-vis de la situation en Syrie qui connaît ses plus importantes manifestations d'opposition au régime en place, mais aussi ses pires atrocités, vient de connaître son premier changement avec l'adoption d'un embargo sur les armes et de sanctions visant des dignitaires du régime, mais pas le chef de l'Etat Bachar Al Assad. Comment mesurer la portée de ce changement, et sous quel angle l'appréhender, alors qu'il intervient après des centaines de tués, et des mises en garde répétées ? Tout d'abord la décision a été entérinée alors même qu'une conseillère du président Al-Assad estimait dans les colonnes du New York Times que le gros de la révolte est passé et que le «moment le plus dangereux est derrière nous». Ce ne serait là que le résultat de la répression. Selon des ONG, depuis le début du mouvement de contestation mi-mars, entre 600 et 700 personnes ont été tuées et au moins 8 000 personnes interpellées. En ce qui concerne la décision européenne, il s'agit de sanctions contre treize responsables syriens et un embargo sur les armes, laissant croire que la Syrie pourtant présentée comme un client traditionnel de la Russie, ou encore de l'Iran, s'approvisionnerait sur le marché européen. Ainsi apprend-on que le Conseil a adopté «une décision imposant un embargo sur les exportations vers la Syrie d'armes et de matériel pouvant être utilisé pour la répression contre la population, ainsi que des interdictions de visa et un gel d'avoirs» dont on ne connaît pas l'ampleur, ou encore ce que leurs détenteurs ont probablement dû en faire, depuis que cette sanction était envisagée. A ce titre, la liste traduit non seulement des divergences entre membres de l'UE, mais aussi une approche qui ne dit pas son nom, permettant toutefois de comprendre à quel point le chef de l'Etat syrien serait l'otage du système qu'il incarne. Ainsi donc, son frère cadet, Maher, chef de la Garde républicaine, figure en tête de cette liste. Maher Al-Assad, 43 ans, présenté comme «le principal maître d'oeuvre de la répression contre les manifestants», précède sur la liste le chef des renseignements généraux, et le nouveau ministre de l'Intérieur nommé le 28 avril, également sanctionnés pour leur «implication». Les plus hauts responsables de l'appareil répressif syrien sont également en bonne place comme les chefs respectifs de la sécurité politique, du renseignement militaire et du renseignement militaire de l'armée de l'air, Mohammed Dib Zeitoun, Abd al-Fatah Qudsiyah et Jamil Hassan. Contrairement à d'autres situations, l'exception est évidente, aussi bien en termes de délais que de listes. Pour les analystes, tout semble avoir été fait afin ne pas impliquer le chef de l'Etat syrien. Le ménager, et situer le problème du blocage politique et institutionnel tout comme celui de la répression vers d'autres sphères ? L'analyse n'est pas nouvelle, mais il y a urgence pour arrêter la répression.