Que reste-t-il encore de la tripartite ? Car si le prochain rendez-vous est une occasion inouïe pour l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) de revenir au-devant de la scène, par la grâce d'un gouvernement et d'un chef de l'Etat qui ne reconnaissent qu'elle comme seul représentant du monde du travail, il est évident que le dialogue social, tel qu'il est conçu officiellement, est totalement tronqué. Il y a bien longtemps que la centrale syndicale a été emportée par la crue d'un mouvement social qui ne cesse de prendre de l'ampleur pour passer à la vitesse d'un véritable tsunami qui, faut-il le noter, devrait, en toute logique, bouleverser le système des représentations et repenser de fond en comble même le cadre du dialogue annoncé. Ce serait, encore une fois, du pur arbitraire de ne pas convier à la table des discussions les nouvelles forces sociales qui se sont imposées sur le terrain comme partenaires indiscutables du prochain dialogue. Mais cela ne semble pas être l'intention du gouvernement qui compte bien se contenter du confortable choix d'un syndicat maison pour présenter une façade «idyllique» d'un consensus qui en réalité n'en est pas un. En effet, l'essentiel, pour les deux, c'est le paraître. Le deal ? L'UGTA fait semblant de représenter les travailleurs, le gouvernement fait semblant aussi de répondre aux revendications que l'organisation de Sidi Saïd n'a jamais émises. L'objectif est de tenir à l'écart les syndicats autonomes susceptibles de jouer les trouble-fêtes dans un semblant de dialogue qui ne doit durer qu'une journée et une nuit, et dans lequel l'UGTA jouera encore le rôle de paravent face à un front social en totale éruption. Pourtant, le gouvernement aurait tout à gagner en ouvrant les portes de la négociation aux forces reflétant réellement la représentation du monde du travail. Ce sont elles qui font agiter aujourd'hui la revendication sociale. Leur dénier la qualité de partenaire social, à part entière, est indicateur du mépris que nourrissent les autorités à l'égard du pluralisme syndical, garanti pourtant par la loi fondamentale. Savent-elles que mettre l'UGTA dans la poche ne les prémunit pas des zones de turbulences sociales ? C'est prouvé à la lumière des mouvements de grève et des marches initiés par les syndicats autonomes : l'organisation de Abdelmadjid Sidi Saïd ne peut même plus jouer le pompier tant elle a été chassée de plusieurs secteurs d'activité où elle régnait en maître. Elle n'est rendue visible que grâce au concours du gouvernement ou de certains ministres qui, à la barbe des syndicats autonomes, la font sciemment décongeler pour en faire un partenaire privilégié souvent en récupérant des luttes menées par d'autres. Mais la réalité est là : le monde syndical a profondément mué. Un dialogue social qui n'intègre pas cette donne ne peut prétendre qu'à l'échec. Le gouvernement doit désormais apprendre à compter au-delà du chiffre trois : moi, le patronat, l'UGTA… et les syndicats autonomes.