Les productions animales en Algérie sont fortement tributaires des fluctuations du marché international. Cette dépendance est beaucoup plus complexe dès lors que les principaux intrants pour la production des aliments de bétail et volaille proviennent quasi-exclusivement de l'importation. Cet état des lieux impose une refonte sans délai des productions animales à l'amont. Dans la sous-filière avicole, les charges induites par l'approvisionnement en aliments représentent jusqu'à 70% du coût global de l'investissement, a estimé le professeur Ahcène Kaci de l'ENSA (Ecole supérieure agronomique d'El Harrach). La proportion n'est pas moins handicapante lorsque l'on sait à quel point les charges excessives des élevages avicoles propulsent vers le haut les prix des viandes blanches sur le marché national. C'est là que réside, d'ailleurs, la raison pour laquelle la consommation moyenne en Algérie en ce produit, qui ne dépasse pas les 6 kg par habitant et par an, demeure relativement faible par rapport aux autres pays voisins. D'autre part, étant dans l'incapacité de faire face aux charges durant le cycle complet de l'élevage, les producteurs font des «ponctions» sur les rations alimentaires, ce qui réduit sensiblement les rendements et rend la productivité des élevages très aléatoires. Le professeur de l'ENSA situe le poids moyen du poulet en Algérie à 1,7 kg après la période d'engraissement (45 jours), alors que la norme doit être au-dessus des 2,5 kg. Ce piètre résultat est dû à une alimentation pauvre et non régulée des élevages. L'élevage bovin et ovin n'est pas, non plus, épargné par les retombées des fluctuations perpétuelles du marché international des matières premières agricoles. Les chercheurs intervenant lors des journées de recherche sur les productions animales, organisées la semaine dernière par la faculté d'agronomie de l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou ont tous mis l'accent sur cette problématique. Le cas du bovin laitier est illustratif à plus d'un titre : avec un cheptel de près d'un million de têtes (vaches laitières), l'Algérie continue à importer pour une moyenne de 800 millions de dollars par année en produits laitiers. En effet, malgré son importance, ce cheptel est très limité en termes de productivité. Les recherches menées sur le sujet situent le rendement par vache laitière à 10 litres quotidiens pendant les périodes de grandes lactations. Ce qui est très en deçà de la norme. En conséquence, il ne sert à rien d'importer des centaines, voire des milliers, de génisses annuellement s'il n'y a pas le respect des normes dans la conduite des élevages, notamment au plan relatif à l'alimentation animale. Les cultures fourragères marginalisées Dès lors, l'unique alternative qui permettra de redresser la situation demeure la substitution des intrants importés par des matières produites localement. D'où, la question de l'incitation à l'intégration de l'orge dans le cycle alimentaire des animaux qui est fortement évoquée ces dernières années. Mais, cette option est-elle réellement réalisable avec une production nationale céréalière très aléatoire et fortement dépendante de la pluviométrie ? L'exemple de la saison en cours illustre clairement ces vulnérabilités. L'Office interprofessionnel des céréales (OAIC) vient de lancer un appel d'offres pour l'acquisition de 50 000 tonnes d'orge sur le marché international, alors que l'année dernière, à la même période, le même organisme se réjouit du retour de l'Algérie sur le marché des exportations en réussissant à placer sur le marché français 10 000 tonnes de ce produit, à titre ponctuel de surcroît. Pour les cultures fourragères, le professeur Bencherchali de la faculté des sciences agrovétérinaires de l'université de Blida estime qu'«en Algérie, la culture des fourrages est peu pratiquée. Elle occupe annuellement 523 000 ha, soit 6,1% de la SAU nationale (surface agricole utile). Ces fourrages cultivés contribuent faiblement à l'alimentation des herbivores en raison d'une SAU restreinte de 8,5 millions d'hectares seulement, une quantité d'eau allouée à l'agriculture insuffisante, des semences des fourrages cultivés importées, ce qui constitue un frein à l'expansion de leur culture, une faible maîtrise de l'itinéraire cultural et une faible mécanisation de l'agriculture». Le même professeur n'exclut pas l'énorme impact de cette situation sur la production nationale qui se traduit par de «faibles rendements, augmentation du prix de revient du produit final (viandes, lait, œufs, ndlr) et le désintéressement des agriculteurs vis-à-vis de ces fourrages cultivés». Pourtant, la solution la plus rationnelle et plus judicieuse dans le contexte algérien réside dans l'encouragement des cultures fourragères qui permettra d'atténuer le recours aux matières premières importées (maïs et soja). Toutefois, il reste un ultime recours en l'absence des fourrages cultivés. Il s'agit, selon le professeur Bencherchali, des plantes fourragères spontanées qui sont une bonne alternative. «Elles supportent la sécheresse et des températures plus ou moins élevées, caractéristiques dominantes du climat en Algérie», estime-t-il avant d'ajouter qu'«elles constituent une importante biodiversité végétale nécessitant une protection adaptée et une valorisation rationnelle. Elles poussent dans les pairies naturelles, les parcours et les jachères ou encore, en intercalaire, dans les vergers arboricoles irrigués. Elles constituent, en compagnie des pailles de céréales, l'essentiel de l'alimentation des herbivores».