L'étau se resserre davantage autour du clan El Gueddafi. Après avoir été lâché par deux de ses principaux alliés, à savoir la Russie et la Chine, l'Algérie a, à son tour, annoncé dimanche, par la voix de son ministre des Finances, le gel des avoirs d'El Gueddafi et de sa famille. Dans les faits, la décision prise par les autorités algériennes «en conformité avec les résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU» n'aura pas une grande incidence sur le régime de Tripoli dans la mesure où le gros de la fortune amassée par El Gueddafi et ses enfants a été placé en Europe occidentale, particulièrement en Italie et en Grande-Bretagne. Ce n'est pas tout. De nombreux experts expliquent également qu'il sera particulièrement difficile à la Communauté internationale de mettre la main sur le «magot» des El Gueddafi pour la simple raison que leurs pétrodollars sont disséminés à travers des dizaines de comptes anonymes pour ainsi dire impossibles à localiser. Au plan politique, par contre, la décision annoncée par Karim Djoudi, le ministre algérien des Finances, outre d'infirmer l'idée selon laquelle l'Algérie soutient ou a soutenu El Gueddafi sera certainement de nature à rendre moins agressive et surtout moins suspicieuse l'attitude des principaux animateurs du CNT libyen à l'égard des responsables algériens. Il faut dire que, jusque-là, les insurgés libyens ont perçu l'Algérie comme un pays franchement hostile à leurs aspirations. Gel des avoirs libyens : Un casse-tête pour l'ONU Ils seront certainement davantage rassurés concernant la position de l'Algérie lorsqu'ils apprendront que l'«ordre» de répertorier les avoirs de la famille El Gueddafi en Algérie en vue de leur gel est intervenu seulement quelques jours après l'adoption, le 19 mars 2011, par le Conseil de sécurité de l'ONU de la résolution 1973. Ce qui n'est pas forcément le cas d'un certain nombre de pays qui se sont positionnés en faveur de la rébellion dès le début du conflit libyen. Pour lever toute équivoque, le gouvernement algérien prévoit d'ailleurs d'adresser, le 26 juin, au Conseil de sécurité de l'ONU, un rapport détaillé dans lequel sera fait mention de toutes les décisions prises par l'Algérie allant dans le sens de l'application des résolutions 1970 et 1973. La décision d'Alger de geler les avoirs du colonel El Gueddafi signifie-t-elle maintenant que la diplomatie algérienne a changé de cap sur la question libyenne et qu'elle est sur le point d'apporter un soutien inconditionnel aux insurgés ? «Pas du tout ! Nous nous refusons à soutenir une partie contre une autre», a affirmé Amar Belani, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Le conflit libyen risque de s'inscrire dans la durée Tout en soulignant, pour l'occasion, l'engagement de l'Algérie à respecter «à la lettre» les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, M. Belani a tenu à rappeler le fait que l'Etat algérien, à l'instar de l'Union africaine, prône un règlement pacifique du conflit tout comme il appelle à un «dialogue inclusif» qui implique toutes les parties libyennes. A ce propos, notre interlocuteur a précisé qu'une telle position implique de facto que l'Union africaine établisse «des passerelles avec toutes les parties libyennes». Est-ce aussi le cas de l'Algérie ? Le porte-parole des Affaires étrangères répondra sans hésiter par l'affirmative. Par rapport à cette question, M. Belani a dénoncé, une nouvelle fois, la volonté de certains pays «qui ont un autre agenda que celui de la paix» de chercher à saborder les efforts actuellement déployés par les acteurs continentaux et internationaux en vue d'une issue pacifique au conflit. Pis encore, ces «parties», dit-il, veulent impliquer coûte que coûte l'Algérie. Il cite, à titre d'exemple, les informations distillées ces derniers jours essayant de faire croire que la fille d'El Gueddafi, Aïcha, se serait réfugiée en Algérie. Et comme pour les accusations portées contre l'Algérie sur la question des mercenaires et qui se sont finalement avérées infondées, le porte-parole des Affaires étrangères a tenu à démentir de manière catégorique et énergique cette «grotesque et absurde rumeur». Quid de l'avenir d'El Gueddafi maintenant qu'il a perdu ses plus importants soutiens politiques ? Un expert du dossier libyen affirme que la chute du colonel risque de ne pas être pour demain dans la mesure où il contrôle encore une grande partie du territoire libyen et qu'il possède toujours des capacités militaires opérationnelles. D'ailleurs, indique-t-on, ce n'est pas un hasard si l'OTAN a décidé de prolonger de plusieurs semaines le calendrier de ses opérations et a demandé parallèlement aux principaux décideurs du CNT libyen de «reformuler» leurs exigences de telle sorte à laisser la porte ouverte à une solution pacifique mutuellement acceptable par les deux parties. Une solution qui puisse permettre d'éviter un scénario à l'irakienne.