La vallée du Madaba, un haut lieu du tourisme religieux. Le site fait partie de cette longue faille, «la fosse d'effondrement», qui, outre la Jordanie, traverse la Syrie, la Palestine et Israël. Amman, de notre envoyé spécial La vallée surplombe la célèbre rivière du Jourdain, aujourd'hui malheureusement asséchée, et la légendaire mer Morte. «L'endroit offre une vue panoramique sur cette mer intérieure longue de 50 km, surmontée à l'horizon par la Cisjordanie, une terre palestinienne si elle n'était pas occupée par Israël. L'importance religieuse de la vallée est associée au nom du prophète Moïse dans sa traversée pour atteindre la Terre sainte…», lâche Djaâffer, notre guide qui pointe son doigt sur cette partie du monde du Proche-Orient qui concentre le conflit le plus «explosif» de notre époque. La forte affluence des groupes de touristes encadrés de guides témoigne de l'importance de cette halte. Madaba représente surtout un des cinq endroits de pèlerinage chrétien de la Jordanie. Une ville «chargée d'histoire» qui se situe à une vingtaine de kilomètres de la capitale, Amman. «La monographie de la ville, ce sont des plaines. C'était un centre religieux au Ve siècle. Jérusalem est à une cinquantaine de kilomètres d'ici. Ce fut également un centre ecclésiastique à l'ère byzantine. La ville abrite nombre d'églises. Ici, on peut trouver des familles qui portent le même nom, mais dont, pourtant, une partie est chrétienne et l'autre musulmane.» Selon lui, il existe aujourd'hui quelque 300 000 chrétiens dont la plupart sont orthodoxes. Pour rejoindre la mer Morte, il faut quelques dizaines de minutes de route tortueuse. Là, un été chaud nous attend. Le mercure explose une fois atteints les -440 mètres au-dessous du niveau de la mer. Des hôtels de luxe et des stations balnéaires redonnent vie à une terre plutôt aride et une «eau morte». «La sécheresse aurait raccourci cette mer intérieure de quelque 30 km en l'espace de quelques années», se contente de commenter notre guide, sans daigner citer toutes les raisons. Mais le site offre un décor qui nous laisse songeur sur ce que pourrait être la découverte de l'eau sur la lune. Soudainement, sur ce puissant contact visuel, la mer Morte se transforme en un tombeau de l'humanité d'où pourrait bien rejaillir un jour toute source de vie. L'attraction survoltée de l'endroit est aussi pathétique que toute la légende qui hante des siècles d'histoire. Mais pour la saison, l'animation semble plutôt prometteuse en cette fin de mois de mai. Le Mövenpick, une chaîne suisse 5 étoiles, conçu sur le modèle séduisant d'une architecture qui rappelle les villages anciens, mais agrémenté des commodités et du confort actuels reste un bel exemple de mariage entre le traditionnel et le moderne. Chaque jour, il accueille de nouveaux arrivants. Pourtant, ce n'est guère pour la beauté du sable fin ou la baignade que les touristes du monde entier y affluent. Car la mer Morte est toujours d'actualité. Et en cela elle suscite la curiosité. Mais pas seulement. Sa terre argileuse est l'un des motifs de déplacement pour de nombreux touristes dont surtout les femmes qui cherchent à «se refaire une peau neuve». «El Qods c'est juste derrière les montagnes» Se mettre la terre boueuse sur tout le corps et le visage pour avoir une peau lisse débarrassée de toutes ses impuretés. La recette est toute facile : se baigner dans cette eau dont la salinité est de quatre à cinq fois plus élevée que la normale avant d'aller s'appliquer cette «terre magique», médicamenteuse, que l'on peut trouver dans des jarres déposées le long des rivages. Au bout de 15 mn, vous pouvez repartir avec une «peau de bébé». Un large commerce des produits de beauté a fleuri dans les environs comme dans les boutiques des grandes villes. C'est devenu un pur produit emblématique de la Jordanie. Israël aurait d'ailleurs développé la même industrie. Il faut savoir que la mer Morte constitue la frontière naturelle de la Jordanie avec ce pays. «En face, exactement, nous avons la ville d'Ariha. El Qods, c'est juste derrière les montagnes», nous montre Djaâffer dans un geste, tout en affirmant que son pays compte trois passages vers ce voisin. Mais le royaume hachémite prétend à tout le profond mythe du Proche-Orient. Il s'agit-là peut-être d'un des pays dont la position sur l'échiquier géopolitique est à apprécier surtout en fonction de ce paramètre des frontières qu'il a en partage avec les six pays : Egypte, Arabie Saoudite, Irak, Syrie, Palestine et Israël. Les bouleversements politiques récents et actuels dans la région ne sont d'ailleurs pas sans incidence sur ce pays de seulement 6 millions d'habitants. Passe que l'on parle des convulsions internes au pays. Là n'est pas le propos tant les itinéraires de voyage empruntés par les organisateurs de notre séjour sont loin de nous permettre toute possibilité de nous enquérir de la situation socio-politique. Sans doute pour ne pas avoir à montrer «la cuisine politique» du royaume, respectant ainsi la consigne de l'ambassadeur de la Jordanie en Algérie qui a invité les journalistes algériens à ne pas aborder la chose politique. En tout état de cause, force est d'admettre que ce pays qui se croit «cuirassé» contre d'éventuels renversements brutaux de la situation politique n'en est pas pour autant imperméable aux changements qui s'imposent dans les pays arabes. Mais ne dit-on pas qu'à chaque remède ses maux ! Son mal à lui, c'est déjà l'avenir immédiat de la saison estivale. Car, court comme fut «le printemps arabe» en Jordanie, plus courte risque d'être encore sa saison estivale. Traversé, lui, par de légères secousses politiques en mars dernier, quand des manifestations populaires ont éclaté pour réclamer plus de liberté et des droits économiques et sociaux, ce pays, qui semble pourtant totalement tourné vers l'avenir, n'en a pas moins ressenti le séisme. Son tourisme s'essouffle. Des signes avant-coureurs du déclin de l'activité font leur apparition. Akaba reste la fierté du tourisme balnéaire au pays du roi Abdallah II. Pourtant longue de seulement quelques dizaines de kilomètres, la côte est la seule du pays qui s'assure ainsi une ouverture sur la mer Rouge. Après l'indicible Pétra, Akaba Réputée pour son dynamisme commercial, la ville, dotée d'un statut de zone franche, est aussi voisine des trois pays : Israël, Egypte et Arabie Saoudite. En face, Eilat, une ville israélienne, à portée du regard. Un passage assure la traversée sur une distance de pas plus de 7 kilomètres. La présence d'une multitude de chaînes hôtelières internationales attire des touristes des pays voisins, mais aussi des quatre coins du monde. Ici, tourisme et affairisme semblent faire bon ménage, tandis que l'open sky dont jouit le ciel d'Akaba réduit les distances au maximum. Ce n'est pas un hasard si cette ville arbore son rang de deuxième destination touristique du pays après l'indicible Petra. Cette dernière, une merveille, témoin de l'art de vivre de l'Homme qui rend la destination incontournable. Bien qu'Akaba soit «la capitale du tourisme arabe en 2011», rappelle fièrement Salah Bitar, président de l'association des hôtels Akaba, la conjoncture actuelle des pays arabes est telle que non seulement les bénéfices escomptés ne sont pas au rendez-vous, mais elle a fini même par lever le voile sur les faiblesses d'une politique dont Amman veut à tout prix se débarrasser à présent. «La politique touristique des programmes communs entre pays voisins a échoué en raison de la situation dans la région. Un programme de 280 touristes étrangers avec la Syrie est tombé à l'eau». «Les programmes communs constituent plus de 60% de cette activité», reconnaît Salah. Voilà qui a sonné le glas d'une activité dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle est une source importante de revenus pour le royaume et constitue un riche gisement pour l'emploi. La hantise des pouvoirs publics et des professionnels du secteur est à son paroxysme. L'activité du secteur a enregistré une chute brutale en baissant de moitié. Tout le monde, professionnels et pouvoirs publics, est bel et bien à la recherche de palliatifs afin de limiter les dégâts. Bref, les pouvoirs publics semblent avoir compris désormais, en tous cas pour ce qui est du tourisme, qu'ils doivent impérativement changer de politique. L'enjeu est d'éviter la mort programmée d'une activité qui, si elle est négligée, risquera d'avoir une incidence douloureuse dans le domaine social. Les soubresauts politiques n'en seraient que dévastateurs étant donné la donne régionale. Du coup, la Jordanie compte se défendre en essayant de se forger une vocation touristique à part entière, qui ne se contente plus de programmes communs avec les pays voisins dont elle ne tire pas grand succès de toute façon. Mais plutôt en se dotant de programmes à elle toute seule. Et ce, d'autant que nombre de pays concurrents tels que la Tunisie par exemple qui est susceptible de ne pas accueillir tous ses touristes. Pourquoi alors ne pas capter une part de ce marché, dont tout le monde sait qu'elle est composée majoritairement d'Algériens ? Pour ce faire, elle a plein de cartes à abattre. «Nous avons le triangle d'or (Akaba, Petra, Oued Rum)», lance Oussama Suleiman, directeur de l'hôtel Tourist Co Ltd et membre de l'association des hôtels dans la ville d'Akaba..