Dans le plus grand hôpital d'Alger, il y a foule, en ce dimanche 12 juin. Des dizaines de personnes déambulent dans les allées, tandis que d'autres se pressent à l'entrée des différents blocs. Pourtant, au CHU Mustapha, il est bien difficile de se faire ausculter. Les résidents, près de 900 dans cet établissement, sont en grève illimitée. Et si le pavillon des urgences ne désemplit pas, seuls les cas les plus graves sont pris en charge. Au grand dam de Selma, la quarantaine. «J'ai des douleurs au ventre. Mais lorsque j'ai exposé mon cas à la réception, on m'a répondu de prendre rendez-vous», relate-t-elle, dans un sourire affaibli par la douleur. La pilule ne passe pas. En l'absence des résidents, «la cheville ouvrière» des actes médicaux, rien ne fonctionne «vraiment bien». Et dans certains services, la paralysie est palpable. Halls déserts, perrons où sont assis des patients désemparés, et blouses blanches devenues «denrées rares». A l'entrée des consultations en pneumologie, l'agent de sécurité prévient, l'œil inquisiteur : «Il n'y a qu'un seul médecin !» Les locaux sont étrangement calmes. Si les gardes et les urgences sont assurées par les résidents, les autres activités sont réduites au strict minimum. Les opérations programmées sont reportées sine die. Idem pour les consultations médicales et autres visites d'exploration. Il est quasiment impossible d'obtenir un rendez-vous pour un simple examen. Même chez un professeur ou un assistant. Comment s'organisent les services en ces temps de grève ? Si le personnel médical, les assistants et autres affirment que les activités fonctionnent «plus ou moins correctement», les résidents, eux, avouent l'ignorer. Certains, si ce n'est la plupart, n'y ont pas mis les pieds depuis l'entame du débrayage, en mars dernier. «Je suis là pour assurer mes gardes. Mais, en dehors du service minimum, nous ne faisons plus rien», explique l'un d'eux, dans un haussement d'épaules. D'ailleurs, à l'hôpital Mustapha, on tourne au ralenti. Près de 80% des consultations et rendez-vous n'auraient pas été honorés, selon le Camra. Pénalisant, par là même, des dizaines de malades, qui attendent, parfois depuis des mois, que «leur tour» sur la liste d'attente arrive, Selma a trouvé la solution. «Je vais de ce pas consulter un médecin privé», lance-t-elle, en tournant les talons. Ghania Lassal