Durant les années 1990, le théâtre algérien n'a pas seulement survécu. Ce théâtre s'est refondé en s'autonomisant vis-à-vis des chapelles politiques et idéologiques. » Tel est le substrat que tire Mohamed Kali, journaliste à El Watan, de son ouvrage Théâtre algérien, la fin d'un malentendu, paru aux éditions du ministère de la Culture. L'occasion pour les présents, hier, au Café théâtre organisé à la Bibliothèque nationale d'El Hamma à Alger, de revenir sur ce constat. Pour Kali, la terreur et la mort ont poussé les Algériens, notamment les créateurs, à « revenir à l'essentiel ». « On a commencé à se demander qu'est-ce que la vie, quel est le sens du bonheur. On a posé des questions sur l'amour, la jalousie, le désir, la femme. » A ses yeux, ce recentrage des thèmes s'accompagne par l'éclosion de pas moins de 40 compagnies indépendantes de théâtre, ainsi que la renaissance d'une certaine diversité dans les formes : théâtre de rue, expérimental, musical, café théâtre avec notamment Fellag, etc. Une dynamique encadrée, poussée par le courage des animateurs des festivals de théâtre, comme ceux de Sidi Bel Abbès et de Mostaganem. « Que l'on ne s'y trompe pas. Souvent le théâtre a été un alibi pour le système. Pendant les années 1990, on voulait bien montrer qu'on faisait du théâtre alors que la violence était partout. Manière de dire au reste du monde : “Regardez, l'Algérie n'a pas sombré dans le chaos'' », nuance Kali. Et d'ailleurs, l'auteur qui a suivi en tant que journaliste la quasi-totalité de la Scène du 4e art depuis le début des années 1990, souligne que les années 2000 et le recouvrement d'une relative stabilité nationale ont entraîné un mouvement général de normalisation. Le théâtre n'étant plus « utile » pour le politique, il rejoint des zones moins éclairées de la scène nationale. Du coup, la production des 40 compagnies théâtrales n'est que peu visible à cause des défauts de diffusion. Défauts qui se structurent de plus en plus et qui poussent chaque créateur, qui pourtant se veut indépendant, à s'intégrer dans les circuits organiques officiels ou se mettre sous la coupe des dignitaires proclamés du 4e art algérien. L'ouvrage de Mohamed Kali revient sur les problématiques posées qui déterminent l'avenir même de la scène, qui, selon plusieurs commentateurs, peine à rejoindre l'universel tout en cherchant racine dans le local. Un des présents prévient contre certaines habitudes dites culturelles : « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. » En vérité, vu le passé nationaliste et militant, personne ne semble avoir osé poser un regard critique sur Bachtarzi, ni sur les grands noms des fondateurs, encore moins sur les continuateurs. « En 2005, on parle au théâtre de la révolution algérienne comme on le faisait il y 30 ou 40 ans. L'institutionnel n'ouvre pas la voie à l'expérimental ou à l'innovation. Seul s'impose encore le cahier de charges du système », confie un comédien en aparté. La révolution du théâtre se déclenchera-t-elle un jour ?