La famille de Michel Huard demande instamment sa remise en liberté provisoire pour raison de santé en attendant la manifestation de la vérité dans cette affaire. Michel Huard, 66 ans, est le gérant d'une société d'ingénierie dénommée International Technical Group Algéria (ITGA), dont le siège social se trouve au Telemly (Alger-Centre). Suite à un marché passé avec Sonatrach pour la réalisation d'une base de vie à In Aménas, et qui a vu le bénéficiaire de ce contrat accusé de «malversations», Michel Huard se retrouve à la prison d'El Harrach où il est incarcéré depuis bientôt deux ans. Alors que l'affaire ITGA-Sonatrach repasse en jugement jeudi prochain au tribunal criminel près la cour d'Alger, la famille de Michel Huard demande instamment sa remise en liberté provisoire pour raison de santé en attendant la manifestation de la vérité dans cette affaire. Tout a commencé par l'envoi d'une lettre anonyme aux services de la Gendarmerie nationale accusant ITGA d'avoir usé de procédés «douteux» pour obtenir son contrat. Quelques mois auparavant, le 28 mai 2003, ITGA avait remporté, suite à un avis d'appel d'offres, un marché d'une valeur de 131 milliards de centimes (15 millions d'euros) consistant en la construction de 407 studios au profit de Sonatrach dans la région d'In Aménas. Une avance de démarrage d'un montant de 1,5 million d'euros a été versée par le maître d'ouvrage à ITGA le 1er décembre 2003 en échange de quoi, l'entreprise de Michel Huard s'est acquittée d'une caution bancaire auprès d'une agence CPA. Suite donc à la lettre anonyme (dont l'auteur, un ressortissant français, serait un ancien employé d'ITGA qui a été congédié par Michel Huard), une enquête est diligentée par les services de la Gendarmerie nationale en charge des affaires économiques. La société est accusée d'avoir «falsifié» la caution bancaire sur la base de laquelle l'avance de démarrage a été accordée à l'entrepreneur français. Le 6 septembre 2004, Michel Huard est placé sous mandat de dépôt. Il passera trois mois en détention préventive à la prison d'El Harrach. Deux cadres de Sonatrach sont arrêtés dans la même affaire. Les chefs d'inculpation retenus contre Michel Huard sont faux et usage de faux en écriture bancaire, complicité de dilapidation de deniers publics, trafic d'influence et escroquerie. Il est reproché par ailleurs à ITGA de ne pas «faire le poids» pour un projet de cette taille. Selon le CV de Michel Huard, on lit pourtant que ce dernier jouit d'une expérience probante. Ingénieur de formation, diplômé des arts et métiers (1964), l'homme a passé une grande partie de sa vie en Algérie, où il est intervenu sur nombre de chantiers de travaux publics importants, dont le métro d'Alger. Il a également conduit des projets d'envergure en France, en Europe de l'Est, en Inde, au Cameroun et en Irak. Considérations humanitaires Quant à l'accusation d'avoir fourni une fausse garantie bancaire, Jean-Paul Huard, frère du prévenu, parle de «coup monté». «Il s'avère que cette copie falsifiée est de très mauvaise qualité. Il apparaît immédiatement que ce n'est pas un original» note-t-il dans un mémorandum consacré à cette affaire, avant de s'interroger : «Pensez-vous possible que personne n'ait pu remarquer que ce document était un faux lorsqu'il a été remis en réunion (à Sonatrach, ndlr) ? Pensez-vous que les dirigeants de Sonatrach pouvaient ordonner le paiement de l'avance de démarrage (1,5 million d'euros) sur remise d'un document assurément douteux, sans même poser la question à la banque ?» Autre fait aggravant : les affaires liées aux scandales de Sonatrach. Un amalgame que redoute Jean-Paul Huard : «Ne croyez surtout pas qu'il fait partie des ‘'affaires Sonatrach'' dont on entend parler aujourd'hui. Il est au contraire venu gêner ceux qui sont aujourd'hui impliqués dans ce qu'on appelle le ‘'scandale Sonatrach''. Il est victime des corrompus, car il a refusé de jouer leur jeu.» L'entrepreneur français et les deux cadres de Sonatrach cités dans cette affaire comparaîtront aux assises. Le procès ITGA/Sonatrach se tient les 13 et 14 juillet 2009. Michel Huard est condamné à 4 ans de prison ferme tandis que les deux cadres écopent chacun de 7 ans de prison pour «crime de dilapidation de biens publics», entre autres griefs. Une procédure en cassation a été engagée, et le 10 novembre 2010, un arrêt de la Cour suprême a annulé la condamnation de Michel Huard. L'affaire doit être jugée de nouveau. Une audience, qui était prévue le 25 mai dernier, a été reportée au 23 juin pour cause d'absence de témoins. Aujourd'hui, la hantise de la famille de Michel Huard, c'est son état de santé jugé extrêmement critique. «Michel souffre d'une forme de sclérose en plaques qui se traduit par une paralysie totale des jambes qui s'étend désormais rapidement aux bras», affirme Jean-Paul Huard. «Nous avons demandé par trois fois la liberté provisoire, en vain» déplore son avocat, avant de faire remarquer : «Michel a fait preuve d'une grande honnêteté. S'il était réellement coupable, il aurait profité de l'occasion de quitter le territoire national pour rentrer en France avec l'argent qui lui a été versé (1,5 million d'euros). Or, il s'est présenté à toutes les audiences. Il faisait régulièrement des allers-retours entre l'Algérie et la France et se mettait toujours à la disposition de la justice algérienne.»