La ville de Constantine et la communauté universitaire viennent de perdre Hamamda Med Tahar, un enfant de la ville, un féru raisonnable du CSC et un enseignant-chercheur particulièrement respecté. Après avoir été un bâtisseur du Curer (organisme d'études et de réalisation universitaire) dans les moments «euphoriques» des années 1970, il rejoint le corps enseignant où il y exerce pendant plus de 35 ans, jusqu'à ce qu'il soit lâché par son cœur à l'entrée du service des urgences de l'hôpital de Constantine, un vendredi matin. Une nouvelle terrible pour ses proches, ses amis et ses collègues qui ne le voyaient encore ni partir en retraite ni partir tout court, malgré plus de trois décennies de métier universitaire. Il a formé des générations d'étudiants, de magisters-enseignants et de doctorants en sciences économiques. Il s'est engouffré comme nous tous dans le LMD avec l'intensité de travail qui l'accompagne et les dizaines de masters à encadrer et à faire soutenir ce mois de juin. A Khenchela, où il a fait escale depuis 2004, il a mis toute son énergie dans la formation, la mise en route des normes pédagogiques et éthiques et l'encouragement de profils académiques locaux qui pouvaient prendre le relais d'une génération, telle que la sienne, qui était en fin de parcours. Tout cet effort a été difficile et nerveusement épuisant pour ceux qui savent ce qui est advenu de l'université algérienne. Etre à contre-courant de la régression ambiante et ne pas céder à la vulgarité du temps n'étaient pas chose aisée dans l'université d'aujourd'hui. La gestion «politique» de la pédagogie et le primat de l'administratif sur l'écoute de l'enseignant ont démultiplié tâches de travail, stress intense et contrariétés permanentes, tout ça dans un rythme très «tayloriste» de la pédagogie. Des dizaines d'enseignants universitaires, au niveau national, sont partis ces dernières années parce que le cœur n'a pas résisté à cet univers professionnel fait de tension, de stress et de mal-être face au cours régressif du métier et de la pédagogie courante. Notre collègue n'est pas le premier et il ne sera pas le dernier. Sa disparition doit nous interpeller sur les conditions intenses de travail de l'enseignant, sur la pression morale qui accompagne ce métier et sur l'emprise de l'administration sur l'acte pédagogique. Hamamda Tahar était fait d'humilité, de générosité et d'une éthique rare dans le milieu universitaire d'aujourd'hui. Il avait une place particulière et sa disparition a assommé étudiantes et étudiants qui l'ont connu. Les étudiants et enseignants du centre universitaire de Khenchela, de l'université Mentouri de Constantine et ses amis de la ville étaient là pour son enterrement. Ils étaient tristes et un peu orphelins. Difficile pour nous d'oublier Tahar. Très douloureux pour ses proches et ses deux enfants avec qui nous partageons ces moments difficiles.