Elles étaient nombreuses à s'être rassemblées jeudi devant le siège de la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l'homme (CNCPPDH), à Alger. Ces vieilles femmes, dont le poids des ans est apparent, sont animées par un seul vœu : connaître, un jour, toute la vérité sur leurs enfants et époux, portés disparus durant la décennie 1990. C'est le cas de Mme Ferdjaoui Drifa, 66 ans et mère de trois enfants, qui se rappelle toujours de la dernière fois qu'elle a vu son mari. « Le 23 octobre 1995, des hommes, cagoulés, sont venus à la maison et ont pris mon mari qui avait, à cette époque-là, 82 ans. Depuis, je ne l'ai jamais revu », lâche-t-elle, les larmes aux yeux. C'est triste. Cette dame, qui ne perd pas espoir, demeure fidèle au rassemblement hebdomadaire, organisé tous les mercredis par SOS disparus. Mais, cette fois-ci, les manifestantes sont venues spécialement pour s'entretenir avec Mustapha Farouk Ksentini, président de la CNCPPDH, sur « les perspectives du règlement du dossier des disparus ». Elles veulent qu'il leur explique comment a-t-il constaté l'existence de « 3000 faux dossiers de disparus » quelques mois après avoir remis son rapport au président de la République, dont il a recensé 6146 personnes disparues, enlevées par des agents de l'Etat. « Qu'il nous donne les preuves de ce qu'il avance et qu'on sache qui sont ses faux disparus », fulmine la mère d'Omar Bouzid, enlevé sur son lieu de travail, le 13 juillet 1996, alors âgé de 25 ans. SOS disparus, qui a appelé au rassemblement, demande à M. Ksentini d'éclaircir « ses chiffres contradictoires ». « Nous lui avons adressé une lettre écrite, une demande d'audience pour aujourd'hui. Nous attendons... », indique Nacéra Dutour, de SOS disparus, qui s'interroge sur les raisons qui peuvent pousser M. Ksentini à vouloir revoir ses chiffres. « Nous lui avons demandé de nous communiquer les noms et adresses de ces faux disparus. Nous n'avons obtenu, à ce jour, aucune réponse de sa part », dénonce-t-elle. Sur le trottoir longeant la place Addis Abeba, les manifestantes scandent leurs slogans habituels, tels que « Ki nelkaou ouledna nedakhlou l'dyarna (lorsque nous retrouverons nous enfants, nous rentrerons chez nous) » ou encore « Ya houkam bladna, radouna ouledna (gouvernants de notre pays rendez-nous nous enfants) ». Après une longue attente, sans pouvoir rencontrer M. Ksentini, elles rentrent chez elles, toutes déterminées à poursuivre leur « humble et juste » combat pour la vérité et la justice. Rendez-vous mercredi prochain au même lieu.