Les journalistes ainsi qu'une partie des autres employés du quotidien arabophone Al Ahdath (Les événements, ndlr) ont entamé, hier, une grève de trois jours pour protester contre leurs conditions de travail qu'ils qualifient d'«indécentes», la «gestion chaotique» de leur journal et réclamer une augmentation des salaires. Dans un communiqué rendu public le même jour, les membres du collectif d'Al Ahdath expliquent qu'ils sont 12 journalistes, sur les 15 qu'emploie le journal, à observer le mouvement de grève et que leur décision de recourir à un débrayage intervient après que la direction ait donné une réponse «non convaincante» à la plate-forme de revendications qui lui a été soumise le 24 mai dernier, à l'issue de leur assemblée générale. Ils insistent sur le fait, par ailleurs, qu'un préavis de grève a été déposé sur le bureau du directeur du journal dans les délais prévus par la loi avant de mettre à exécution leur menace de grève. Reprochant à leur direction de pratiquer la «politique de la fuite en avant», les journalistes d'Al Ahdath regrettent de ne pas avoir en face d'eux un interlocuteur capable de prendre des décisions et de se prononcer sur leurs revendications. Le propriétaire du journal, dont personne ne connaît à ce jour le nom, est actuellement aux abonnés absents. Le directeur général d'Al Ahdath, El Aïd Bessi, qui s'est inexplicablement refusé à donner l'identité du «patron», a assuré que celui-ci «est actuellement à l'étranger, qu'il est informé de la situation et qu'il rentrera bientôt». M. Bessi considère, pour sa part, que le débrayage initié par sa rédaction est «illégal» et que «les personnes qui s'expriment actuellement au nom des employés d'Al Ahdath n'ont aucune légitimité». A la question de savoir si les revendications de «ses» journalistes étaient légitimes, M. Bessi a répondu qu'«à chaque journal selon ses possibilités», avant de menacer d'appliquer le règlement intérieur de l'entreprise à l'encontre des grévistes. Cependant, il a affirmé que pour l'instant «aucune sanction n'a été prise». En outre, El Aïd Bessi a fait savoir qu'il aurait souhaité que le collectif d'Al Ahdath attende les résultats de la réforme en cours du secteur de l'information pour brandir leurs revendications. Les journalistes d'Al Ahdath rencontrés, hier, à la maison de la presse Tahar Djaout, où ils avaient observé un rassemblement, dénoncent particulièrement le plafonnement à 24 000 DA (près de 200 euros), depuis l'année 2007, des salaires de journalistes alors que le journal bénéficie régulièrement de rentrées provenant de la publicité publique. Au plan des conditions de travail, nos confrères n'hésitent pas à parler de «véritable catastrophe» : pas suffisamment de micro-ordinateurs pour travailler (un micro pour trois journalistes), accès à Internet selon les humeurs, pas de téléphone, manque de voitures de service… Ils exigent, en outre, d'avoir des congés divers et demandent à être associés à l'élaboration du règlement intérieur de l'entreprise. A signaler que les journalistes d'Al Ahdath ont reçu, hier, le soutien du Syndicat national des journalistes (SNJ) ainsi que celui des membres du collectif Initiative pour la dignité des journalistes (IDJ). Si Kamel Amarni, le SG par intérim du SNJ, considère leur grève «légale» et leurs revendications «légitimes», Mustapha Aït Mouhoub de l'IDJ, dit espérer que cette grève fasse tache d'huile, car elle illustre très bien le marasme dans lequel évolue la presse algérienne. Le SNJ a indiqué, par ailleurs, avoir mis à la disposition des journalistes grévistes son avocat.