Exposées à l'Institut Cervantès d'Oran, quelques grandes figures des arts et des lettres d'Espagne sont coulées dans la peinture par Farid Amrar qui a déjà effectué un travail similaire avec les sites et monuments d'Oran. Mais ce n'est pas tant ce qui est suggéré dans ses toiles qui attire l'attention que l'habillage qu'il en fait. Usant de technique mixte, son style, résolument moderne, se démarque nettement de ce qu'on a l'habitude de voir chez les artistes en herbe de son âge. Localement, son travail a attiré l'attention dès sa première participation au 2e salon des peintres et artisans organisé en juin 2009 à l'hôtel Phénix par les gestionnaires de cet établissement. C'est à se demander d'où il pouvait tirer son inspiration, mais peut-être que la rupture n'est que formelle. Tel un musicien qui s'attellerait à jouer plusieurs modes sur une même gamme, le peintre semble trouver un malin plaisir, d'un tableau à un autre, à interchanger les tonalités dont il use pour donner l'illusion d'un miroitement de couleurs sur une même œuvre. Il y a une propension à la démultiplication mais pas à la copie, car ses travaux ne se ressemblent que d'apparence. Ses abstractions hésitent entre la géométrie pure, les lignes franches et la loi du hasard qui préside aux contours incertains. Chez lui, l'ordre n'est jamais entièrement accompli. Univers poétiques Ce diplômé de l'Ecole des beaux- arts de Mostaganem a eu l'occasion de collaborer, entre 2008 et 2010, avec «Restaurateurs sans frontières» au musée d'Oran dans le cadre d'une coopération espagnole. Ce qui explique ce rapprochement culturel qui, hormis Salvador Dali et Pablo Picasso qui ont dû faire partie de son univers artistique, s'est étendu aux musiciens, poètes et écrivains. Manuel de Falla, le père de la musique contemporaine espagnole, Antonio Machado (1875-1939) et Frederico Garcia Lorca ou Rafael Alberti, dont les poèmes ont été mis en musique par Paco Ibanez et, tout près de nous, par Vicente Amigo, font partie de cet univers créé spécialement pour eux. Celui duquel émerge Salvador Dali ajoute à l'étrangeté du portrait voulu par l'artiste surréaliste auquel Farid Amrar consacre également un triptyque, comme il le fera pour Pablo Picasso où on retrouve, précisément, l'idée de la démultiplication comme un appel à une reconnaissance par l'insistance. D'autant plus que les personnalités dont il est question dans cette exposition ne sont plus de ce monde, les visages semblent ressurgir du néant, fait accentué par le fond noir omniprésent d'une toile à l'autre. Pour cela, les compositions, chacune selon le personnage qu'elle met en scène, peuvent très bien faire référence à des mémoires, les unes plus torturées que d'autres. Vu sous cet angle, l'artiste semble vouloir inverser les situations en mettant plutôt en avant-plan des univers archaïques qui peinent à s'ordonner, des consciences en gestation, comme l'est probablement sa propre carrière artistique qui demande à s'affranchir pour éviter de stagner.