Dans une récente publication intitulée «La corruption politique en Algérie : l'envers de l'autoritarisme», Mohammed Hachemaoui, politologue et professeur à l'université Paris 8, effectue une analyse détaillée de ce phénomène en Algérie en le liant au concept de l'autoritarisme. Il fait un focus sur l'affaire Khalifa qui «aurait infligé au Trésor public un préjudice financier estimé officiellement à 1,5 milliard de dollars». Ce procès, affirme-t-il, «s'est montré conforme aux règles du jeu politique algérien ; la procédure judiciaireviciée, consacrant, de l'instruction au jugement, tantôt les règlements de comptes, tantôt l'impunité des principaux responsables du crime économique». Selon le politologue, «l'ampleur de la corruption en Algérie n'est ni conjoncturelle ni sectorielle ; institutionnelle et généralisée, elle colonise l'Etat, s'impose aux acteurs comme norme contraignante et procède d'un système de gouvernement». Elle n'est ni dépendante d'une «culture» intemporelle, ni d'une «ressource» naturelle, pas davantage d'une «transition» économique, dit-il. Le phénomène, explique M. Hachemaoui, prospère dans le cadre d'un «système de gouvernement proprement non responsable : ses dirigeants effectifs ne sont pas contraints à rendre des comptes». Et l'organisation, tous les cinq ans depuis 1997, de «législatives pluripartistes» sert moins à institutionnaliser la responsabilité politique du gouvernement vis-à-vis du Parlement qu'à se doter de façades institutionnelles démocratiques et offrir, en guise de «pluralisme limité», d'étroites avenues de participation et de capture des bénéfices de la rente à la population à travers la mobilisation de réseaux clientélistes». La défaillance du Parlement est clairement établie puisqu'en «dépit des préjudices financiers colossaux engloutis dans les affaires de corruption survenues en cascade ces dernières années, le Parlement, contrôlé en amont et en aval, n'a-t-il jamais constitué de commissions d'enquête pour tenter de faire la lumière sur les responsabilités engagées dans ces entreprises corruptives», souligne le professeur. Pourtant, selon lui, les objets de la suspicion sont nombreux. Il en veut notamment pour preuve le prix de baril de référence retenu pour l'établissement des lois de finances. «Alors que les cours du brut sont passés de 40 dollars/baril en 2004 à 80 dollars/baril en 2007, les lois de finances des années 2004 à 2007 ont été élaborées sur la base d'un prix de référence du baril de pétrole à 19 $ seulement !» et 37 DA ces deux dernières années. La suspicion concerne également le Fonds de régulation des recettes (FRR) institué en 2000 pour capter le différentiel entre les revenus prévisionnels et les revenus réels d'exportation des hydrocarbures, et servir à rembourser la dette extérieure du pays. «Sa gestion se fait dans une totale opacité», note le politologue. Selon lui, ce fonds qui «échappe à tout contrôle s'apparente à une immense caisse noire, et jamais le Parlement n'a exigé des comptes au gouvernement au sujet de sa gestion». En revanche, les députés «ont vu leurs indemnités augmenter en septembre 2008 de 300%». Au final, l'auteur estime que la multiplication des révélations dans la presse des affaires de corruption ne trompe personne. «Le surgissement des scandales, loin de refléter l'essor d'une presse indépendante, sert au contraire de substitut à l'absence d'une classe politique et d'une société civile fortes et autonomes».