Vous-avez décidé d'aller vers une grève générale les 15 et 16 janvier prochain. Pourquoi une telle action et pensez-vous que ce débrayage aura les résultats escomptés ? Nous n'avons pas décidé d'aller automatiquement vers la grève. Nous avons déposé une plateforme de revendications à travers laquelle nous avons demandé aux pouvoirs publics d'ouvrir le dialogue autour des doléances contenues dans le document. En ce qui nous concerne, nous sommes prêts pour le dialogue. Si la tutelle nous invite autour d'une table pour les exposer et en discuter, nous ferons des propositions objectives qui iront dans l'intérêt de tout le monde, en particulier l'enfant et l'école. La tutelle doit savoir que la plateforme est à l'avantage des enfants avant d'être dans l'intérêt exclusif des enseignants. Dans le cas contraire, nous passerons à l'acte et nous paralyserons les établissements scolaires comme mentionné dans la plateforme. Nous n'avons pas le choix. Après cette action, nous nous concerterons et c'est aux enseignants de décider de la démarche à suivre. Néanmoins, la tutelle doit impérativement changer de comportement, car, pour nous, le temps des menaces et des intimidations est révolu. On demande à l'enseignant de respecter l'enfant et de dialoguer avec lui, il est donc primordial pour les responsables de nous écouter. Pourquoi la création d'une coordination regroupant six syndicats de l'éducation ? N'y a-t-il pas de points de divergence entre vous ? La création d'une coordination s'est imposée d'elle-même. Ce sont les problèmes qui se posent dans le secteur de l'éducation, qui sont éludés par la tutelle depuis bien longtemps, qui ont poussé les six syndicats à se rapprocher et à mener une action commune. Les problèmes auxquels sont confrontés les enseignants ne datent pas aujourd'hui, mais existent depuis 1985, c'est-à-dire depuis l'avènement du Statut général du travailleur (SGT). Nous considérons que les pouvoirs publics ont humilié l'enseignant lorsqu'ils ont décidé de revoir les échelons de la grille des salaires. Ils ont piétiné ses droits tout en sous-estimant son rôle de pédagogue. L'enseignant a été réduit à un simple fonctionnaire. Le plus décevant, c'est que l'Etat a tout fait pour éviter de faire face aux problèmes posés, à maintes reprises, par les éducateurs et a laissé les choses pourrir. La tutelle s'est prononcée, à plusieurs reprises, sur les points posés dans la plateforme de revendications en estimant qu'elle est dans l'incapacité de répondre favorablement à vos doléances, car cela ne relève pas de ses prérogatives... Les responsables du ministère ont bel et bien modifié, durant l'été dernier, le décret 90-40 portant statut de l'enseignant. Ils peuvent bien aujourd'hui procéder de la même manière concernant le « glissement catégoriel ». Pourquoi alors attendre la réforme du statut de la Fonction publique puisque nos responsables ont opéré des changements, notamment sur un point fondamental du statut, à savoir la mobilité de l'enseignant, et ce, sans la consultation des concernés. Ce qui permet de ce fait à la tutelle de déplacer et de procéder à des mutations d'enseignants comme bon lui semble. Alors que normalement il existe un conseil de discipline qui a toute latitude d'exécuter cette tâche. L'éducateur, c'est malheureusement une réalité, est devenu un « simple objet ». Si nos responsables ont pris l'initiative de changer le statut, ils ont alors les prérogatives de toucher à d'autres points et comme ça tout le monde sera satisfait. Pour votre information, nous n'avons même pas été informés de ces modifications, nous les avons apprises après la consultation du Journal officiel. Nous sommes persuadés que notre ministère peut satisfaire nos revendications, il suffit d'un peu de bonne volonté. Concrètement, quels sont les problèmes auxquels sont confrontés, dans l'ensemble, les enseignants et que revendiquent-ils ? L'enseignant demande de la considération et une revalorisation de son rôle afin de pouvoir être un modèle de référence pour l'élève. Faute de quoi, je ne vois pas comment il sera respecté par ses élèves. Je vous cite mon exemple : j'exerce depuis 30 ans dans le corps enseignant, je suis licencié et je ne perçois que 28 000 DA. J'ai à ma charge une famille composée de six personnes alors que mon salaire de base est de 12 000 DA. Il convient cependant de signaler que la plupart des enseignants ont un salaire de base qui ne dépasse pas les 8000 DA. C' est inadmissible ! Les problèmes auxquels sont confrontés les enseignants sont multiples : les salaires dérisoires, le logement, la retraite et les maladies professionnelles. Comment voulez-vous qu'un enseignant qui ne parvient pas à boucler ses fins de mois puisse espérer bénéficier d'un logement ? Les œuvres sociales de notre secteur ont été complètement dilapidées. Il faut dire que si les problèmes des enseignants sont réellement pris en charge, ces derniers seront devant leurs responsabilités et par conséquent s'attelleront à leur tâche principale, à savoir enseigner d'une manière convenable. Cela dépend uniquement de la volonté des responsables. Nous posons des problèmes concrets qui peuvent aider à l'amélioration du fonctionnement de l'école algérienne et qui permettent de donner à la pédagogie la place qui lui revient. Mais si le ministère de l'Education est incapable de résoudre nos problèmes, nous estimons qu'il est légitimement impossible aux enseignants de prodiguer des cours à 8 millions d'élèves dans des conditions de travail déplorables et c'est pour cette raison que nous avons décidé d'user de tous les moyens pour faire pression sur les pouvoirs publics d'une manière générale.