A la Société d'impression de l'Ouest (SIO), la section syndicale UGTA cristallise les critiques qui pleuvent de toutes parts. 112 travailleurs (dont une centaine sont adhérents), sur les 128 que compte cette entreprise publique ne veulent plus entendre parler des cinq membres qui composent l'instance syndicale. Ils affirment ne plus vouloir d'eux, car ils leur contestent la représentativité. Et cela, ils l'ont fait savoir depuis des lustres en réclamant une assemblée générale élective « transparente » pour renouveler cette instance syndicale. Voilà une vieille revendication de ces travailleurs formulée dans une pétition signée le 22 septembre dernier. Nous sommes dans la zone industrielle d'Es Senia. La rotative de cet imprimeur public tourne à plein régime. 26 journaux sont imprimés ici, mais dans les ateliers, les esprits des ouvriers sont ailleurs en cette fin d'année particulièrement agitée. Le sourire d'Abdelkader, qui travaille ici depuis une vingtaine d'année, cache mal son malaise. « Je ne veux plus entendre parler de ces gens-là du syndicat », confie-t-il. A vrai dire, le torchon aux couleurs de l'UGTA brûlait déjà ici depuis le 4 décembre 2004. Ce jour-là, les travailleurs ont, lors d'une assemblée générale, décidé à la majorité de dissoudre cette section et réclamé un autre vote électif. Pourtant, une année plus tard, soit le 24 décembre dernier, ces mêmes travailleurs ont boycotté une assemblée générale qui devait renouveler les cinq nouveaux membres de la section syndicale. La séance est donc annulée et la crise accentuée. Mais entre ces deux dates, ce vieux conflit syndical s'était particulièrement corsé, en mars 2005, date d'un fatidique retrait de confiance à cette représentation syndicale. Elue pour un mandat de trois ans, la défunte section syndicale est à présent fortement décriée par plus de 90% des travailleurs de l'entreprise. Bien des griefs sont dirigés contre cette section par Mansour Bouras et Mohamed El Khefif, tous deux membres du comité de participation de l'entreprise (et ancien syndicaliste pour le second), qui parlent en tant que « simples travailleurs ». Ils demandent surtout à la centrale syndicale de « diligenter une commission d'enquête afin de dénouer cette crise ». C'est d'ailleurs un vœu exprimé par 112 travailleurs de l'entreprise formulé dans une pétition signée le 18 décembre dernier. Le document conteste ainsi la représentativité des membres de cette section syndicale. Deux jours après, deux membres de la commission électorale se retirent de cette instance appelée à organiser le vote. Ce qui est un prélude à l'échec de la tenue de l'AG. Se sentant « bien loin de ce conflit », le PDG, M. Adda, affirme « ne pas s'immiscer ni de loin ni de près dans cette brouille syndicale » et dit « souhaiter un règlement rapide et définitif de ce problème ». Ce qui passe à ses yeux par un souhait que cette entreprise « se dote rapidement d'une représentation syndicale pour l'intérêt des travailleurs ». Son souhait est donc de « vite tourner cette page, car l'entreprise a bien des ambitions. Vers avril 2006, nous recevrons la nouvelle rotative, qui démarrera en juillet prochain ». Après un retard qui aura duré plus d'une année, 350 millions de dinars viennent d'être débloqués par le CPA pour régler une partie de la facture de la rotative, qui coûte 60 milliards de centimes. Une rotative haut de gamme qui permettra aux journaux de prendre des couleurs. Le PDG promet encore d'« élargir la liste des titres à imprimer à dix autres dont certains seront nouveaux ». S'il est maintenant clair qu'il est hors de question d'ouvrir le capital de cette entreprise publique « pas comme les autres », les cadres de la SIO semblent se concentrer à présent sur « la modernisation de l'outil de travail ». Avec un chiffre d'affaires de l'ordre de 600 millions de dinars en 2005, la trésorerie affiche une évolution de 10% par rapport à 2004. « L'entreprise est bénéficiaire depuis 1997. Nous avons réalisé de petits bénéfices, mais des bénéfices tout de même. Un bénéfice de 20 millions de dinars a été dégagé en 2004 », déclare M. Adda, qui promet qu'« avec la nouvelle rotative, l'entreprise va encore recruter une quinzaine d'employés ». Voilà donc pour le côté jardin. Mais du côté cour, les travailleurs ont bien des soucis syndicaux. « Nous nous rendrons dès le début de la semaine prochaine à la SIO afin de prendre langue avec les travailleurs. Notre souhait est d'organiser une assemblée générale, seule à même de solutionner cette crise », tente de calmer les esprits Abdelkader Jettou, secrétaire général de l'union de wilaya UGTA.Il invitera M. Belkhouiat, le SG « contesté » de la section syndicale, à adhérer à cette démarche d'apaisement. Seulement, cette « volonté de sortie de crise » affichée par M. Jettou semble pourtant se heurter à une autre déclaration du chef de la section « décriée », qui semble bien camper sur ses positions. « Je suis ouvert au dialogue avec la direction de l'entreprise en vue d'organiser un vote de renouvellement, mais il n'est pas question d'organiser une AG », dit-il. Voilà qui relance bien la polémique. Seule certitude dans ce cafouillage, c'est que les travailleurs, « déçus par le bilan de leur syndicat », sont à présent partagés entre « le souhait d'un renouvellement de la section UGTA et un ralliement à d'autres organisations syndicales dites autonomes », et pour les plus déçus, « le renoncement à toute activité syndicale ».