De plus en plus d'entreprises contractent la police d'assurance «émeutes et mouvements populaires» en vigueur depuis 1990. Vu le climat social palpitant en Algérie, les opérateurs économiques souhaitent, à travers cette garantie, protéger leurs locaux et leurs marchandises. Ils ont pris conscience de l'importance de cette formule. Les émeutes qui éclatent un peu partout dans les villes du pays augmentent les risques. La contestation des citoyens conduit parfois à des conséquences fâcheuses pour l'économie nationale. Les chefs d'entreprise sont, pour la plupart, la première cible d'une minorité d'émeutiers qui décrédibilisent, aux yeux de la société, «le mouvement populaire né de l'injustice». Pour l'Union des assureurs et réassureurs (UAR), «le risque est nul». Selon les explications de son président, Amara Latrous, «ce n'est pas parce que des émeutes ont éclaté en janvier qu'il faut s'inquiéter pour le climat des affaires en Algérie. D'ailleurs, les réassureurs internationaux n'ont pas cette vision». Les émeutes de janvier 2011 ont été marquées par une répression policière sans précédent. D'un autre côté, des jeunes sortis on sait d'où se sont mis à saccager des entreprises, des locaux et des agences appartenant à des opérateurs de divers profils. Les collectivités locales ont également été victimes de pillage. Pour les compagnies d'assurances, il va falloir casser la tirelire plus d'une fois, à l'exemple de la Compagnie algérienne d'assurance et de réassurance (CAAR). Selon un document dont nous détenons une copie, «l'évaluation des sinistres entrant dans le cadre des émeutes de janvier 2011», effectuée par les entreprises assurées, se chiffre à plus de 120 millions de dinars. Ce que confirme le PDG de la compagnie, Brahim Djamel Kassali. Le montant des évaluations déclarées par des clients de la CAAR atteint la bagatelle de 122 735 650 DA pour la période comprise entre le 6 et le 8 janvier 2011, les trois jours où les émeutes étaient intenses. Pour rappel, ces émeutes avaient éclaté au début de l'année sur l'ensemble du territoire national ; on leur avait faussement attribué le nom de «révolte du sucre et de l'huile». Chaque entreprise assurée chez la CAAR a fait sa propre évaluation, en attendant le rapport final des experts, selon une source proche du dossier. Cependant, plus de sept mois après l'éclatement des émeutes, «aucune entreprise n'a été jusqu'à présent indemnisée», nous révèle-t-on. Ce que réfute le premier responsable de la CAAR, qui nous a affirmé que «les indemnisations ont déjà commencé», expliquant que «seules de grandes entreprises attendent l'accord des réassureurs». Des difficultés rencontrées par des chefs d'entreprise pour présenter des «pièces à conviction et des documents nécessaires devant être remis aux experts», expliquent, entre autres, ce retard. Il faut savoir qu'un PV signé par la Sûreté nationale et la Protection civile est obligatoire pour la constitution du dossier relatif aux indemnisations. En second lieu, le faible nombre d'experts qualifiés pour la contre-évaluation des dégâts retarde également l'opération. «Une compagnie d'assurances charge toujours un élément compétent pour la constatation des préjudices. Malheureusement, les experts ne sont pas nombreux», a ajouté notre source. Parmi les entreprises assurées chez la CAAR et citées dans le document, il est à signaler que deux opérateurs de téléphonie mobile figurent en pole position des sinistrés : Djezzy (25 agences endommagées) et Nedjma avec respectivement 15 865 500 DA et 7 669 869 DA de dommages évalués. Selon le document, l'OPGI réclame 10 millions de dinars et l'Ansej a évalué des dommages de 900 000 DA. Parmi les banques, on retiendra le nombre élevé d'agences – 17 –affiliées au Crédit populaire d'Algérie dont l'évaluation des dommages subis atteint 8,4 millions de dinars. Les compagnies d'assurance, de manière générale, n'indemnisent jamais à hauteur de 100%. D'après notre source, «les entreprises doivent contracter la garantie ‘émeutes et révoltes populaires'. Mais il ne faut pas s'attendre à un remboursement entier. Les compagnies d'assurances n'indemnisent que 25% du montant établi après évaluation et contre-évaluation des dégâts». Ajouté aux lourdeurs bureaucratiques, autant dire que les opérateurs économiques sont doublement pénalisés.