L'Afrique de l'Est fait face à la pire crise alimentaire de ces 60 dernières années. Dans certains pays comme la Somalie, la situation a atteint la cote d'alerte depuis plusieurs semaines et les morts se comptent déjà par centaines. Face à ce constat des plus alarmants, le secrétaire général de l'Organisation de l'ONU pour l'agriculture et l'alimentation (FAO), Jacques Diouf, a appelé, lors d'une réunion ministérielle de crise tenue hier à Rome, la communauté internationale à fournir une «aide massive et urgente» aux populations de la Corne de l'Afrique. Selon les propres propos utilisés par M. Diouf, ces populations se trouvent dans «une situation catastrophique» à cause d'une grave sécheresse. Cette réunion - convoquée par la FAO à la demande de la France qui préside actuellement le G20 - avait pour objectif essentiel de faire le point sur l'état d'avancement des donations, sur les besoins et préparer la conférence des donateurs devant avoir lieu à Nairobi mercredi. «Il faut sauver des vies et réagir», a lancé Jacques Diouf, pour lequel 1,6 milliard de dollars sont nécessaires dans les 12 mois qui viennent pour enrayer la famine dans cette région de l'Afrique. A court terme, la FAO a besoin 300 millions de dollars pour atténuer quelque peu les souffrances des populations et particulièrement des enfants somaliens et éthiopiens. Une conférence des donateurs doit en effet se tenir demain à Nairobi pour faire le point des besoins et des sommes reçues. Mais d'ores et déjà, les ONG estiment que le soutien proposé par la FAO n'est pas suffisant pour faire face à la catastrophe. La preuve : le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a lui aussi insisté sur le fait qu'il faut 1,6 milliard de dollars rien que pour la Somalie, où «des enfants et des adultes meurent chaque jour à un rythme terrifiant». Et à ce jour, les agences de l'ONU n'ont reçu que la moitié de cette somme. La sécheresse qui sévit actuellement dans la Corne de l'Afrique a déjà fait des dizaines de milliers de morts et menace 12 millions de personnes en Somalie, au Kenya, en Ethiopie, à Djibouti, au Soudan et en Ouganda. Il faut savoir aussi que 500 000 enfants sont directement menacés de mort. Dans le sud de la Somalie, une très grande proportion d'enfants souffre de malnutrition aiguë. A titre de mesure d'urgence, la directrice du Programme alimentaire mondial (PAM), Josette Sheeran, a annoncé pour sa part qu'un pont aérien d'aide pour Mogadiscio commencerait dès aujourd'hui avec pour priorité la livraison de produits nutritifs aux enfants. «La population de Somalie est désespérée. Je lance un appel afin que vous puissiez aider la Somalie à ouvrir des couloirs humanitaires pour le transport de l'aide alimentaire», avait déclaré juste avant le vice-premier ministre somalien Mohammed Ibrahim. 500 000 enfants sont directement menacés de mort Faisant le parallèle entre la guerre et la famine, le responsable de la FAO a soutenu l'idée que «cette crise n'est pas seulement le résultat d'une sécheresse prolongée : il est indispensable d'arriver à la paix». Pour beaucoup d'observateurs, Jacques Diouf a bien raison de faire un tel lien. La catastrophe humanitaire qui frappe actuellement la Corne de l'Afrique et qui met en danger de mort près de 12 millions de personnes est en partie la conséquence des effets des conflits existants et de l'absence de stabilité dans certaines zones. A tous ces paramètres, il faut aussi ajouter le problème de la gouvernance qui y fait cruellement défaut. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que la sécheresse cyclique dans la Corne de l'Afrique est due, dans une très large mesure, aux effets des changements climatiques. La région a enduré successivement deux mauvaises saisons des pluies. Le manque d'eau, mentionnent des spécialistes, a entraîné une perte de 50% des récoltes. Bien évidemment, l'insuffisance des pâturages a donné lieu également à une surmortalité du bétail. D'où la catastrophe qui s'est abattue sur la région. Concernant le volet lié aux donations, la Banque mondiale a annoncé l'octroi de 500 millions de dollars pour la Corne de l'Afrique. L'apport de l'Union européenne pourrait être de 100 millions d'euros. Les promesses de dons formulées à gauche et à droite seront-elles tenues ? La directrice de l'ONG britannique Oxfam, Barbara Stocking, n'a pas attendu, en tout cas, de connaître la réponse pour dénoncer de manière véhémente la passivité de la communauté internationale qui a souvent coutume de faire des chapelet de promesses devant les caméras et de n'en tenir aucune une fois que les projecteurs sont éteints. Mme Stocking s'est surtout attaquée aux institutions internationales et particulièrement au G20 qui ne fait rien pour stabiliser les prix des produits alimentaires. «La communauté des donateurs n'est pas préparée à ‘engager sur le long terme. Il faut que le G20 gère l'importante volatilité des prix alimentaires, il faut s'attaquer à ça», a-t-elle lancé. Abondant dans le même sens, une trentaine de personnalités, dont le chanteur Bob Geldof, qui s'investit beaucoup pour mobiliser l'opinion internationale contre la faim, ont exigé aussi que les pays membres de la FAO «annoncent le montant de leur aide et trouvent cet argent sans délai, sans détour et sans équivoque». Les ONG ont sans doute raison de se méfier des promesses des donateurs. L'expérience a montré que beaucoup d'entre eux ne tiennent pas parole. Pis encore, ils ont pour l'habitude de se débiner dès qu'il s'agit de sortir le chéquier.