Elles occupent la rue et ne sont pas près de retourner chez elles. Les familles des marins otages, retenus par les pirates somaliens depuis bientôt huit mois, ont décidé de protester à la place du 1er Mai pour se faire entendre, banderoles à la main. Les passants ne sont pas indifférents à leur drame, tout le monde témoigne sa sympathie et sa solidarité avec les familles sous une surveillance policière. Un représentant de la DGSN s'est présenté : «Vous comptez rester combien de temps ?» les interroge-t-il. L'épouse d'un marin otage rétorque : «Laissez-nous protester pacifiquement ! Nous resterons ici jusqu'à ce que les autorités prennent en charge notre dossier.» Face à cette situation, le représentant de la DGSN déclare : «Vous n'êtes ni une association ni une organisation, vous n'avez pas le droit. Je veux juste savoir si vous allez rester longtemps, en fonction de cela nous verrons si nous allons maintenir ce dispositif ou mettre en place un autre. Si vous attendez des journalistes, je vous en ai envoyés, ce matin, deux d'El Moudjahid et je pourrais vous en envoyer 40, si vous le désirez, mais cela ne changera rien !» Le policier s'isole avec le représentant des familles, Abdelkader Achour, pour le persuader de mettre fin au sit-in. «Nous avons frappé à toutes les portes. Au départ, les autorités nous ont promis de prendre en charge l'affaire, une cellule de crise a même été installée, huit mois après, elle ne nous a rien apporté de nouveau. Quant aux autorités, nous n'avons été reçus par aucun responsable, en dépit de tous les sit-in observés devant les différents ministères. Ces responsables nous méprisent comme s'il ne s'agissait pas d'Algériens», regrettent les familles des marins. «L'Etat nous a lâchés», poursuit Abdelkader Achour. A l'approche du mois de Ramadhan, ces familles comptent intensifier les formes de contestation :«Les enfants demandent après leurs pères, nous n'avons pas de réponse à leur donner. Ils nous disent ‘‘s'ils sont morts, dites-nous la vérité''.» «Cela fera bientôt 14 mois que je n'ai pas vu mon père. Au dernier coup de fil, mon père et ses collègues ne demandaient qu'une chose : l'intervention du président Bouteflika», confie Fawzi Aït Ramdane. «Mon père a sacrifié sa vie pour l'Algérie et en fin de compte l'Etat l'a lâché et méprisé ses enfants», regrette-t-il. «Ils n'ont pas de revenus pour subsister, même si l'entreprise jordanienne, qui a affrété le bateau battant pavillon algérien, a promis de prendre en charge les familles, il n'en est rien, nous ne faisons pas confiance aux étrangers, c'est au Président d'intervenir», tranche, à son tour, Abdelkader Achour. Le communiqué rendu public hier par le ministère des Affaires étrangères rappelle que l'Etat algérien est en contact avec «certains de nos partenaires et nous continuons de suivre régulièrement au sein de la cellule de suivi du ministère la situation en relation avec un certain nombre d'intervenants dont la compagnie IBC qui est en contact quasi quotidien avec l'affréteur étranger». Et de préciser : «La discrétion étant de rigueur dans pareille situation pour préserver l'efficacité des efforts en cours.» Une manière de dire aux familles des otages que les autorités ne peuvent en l'état actuel communiquer sur le sujet au risque de saborder les négociations. Minane Belaouane, maître d'équipage qui a échappé aux pirates somaliens, présent lors du sit-in pour apporter son soutien aux famille, nous révèle : «Le quartier général des pirates se trouve à Mambassa au Kenya, il s'agit d'une organisation maffieuse dirigée par une Ukrainienne que j'ai déjà rencontrée. Elle est assistée par un certain Ali qui m'a promis personnellement d'intervenir auprès des pirates pour leur libération. Nous attendons toujours !»