Il faisait terriblement chaud en ce début d'après-midi du vendredi 29 juillet, lorsque nous avons pris le chemin de Tikjda. Après avoir parcouru quelques kilomètres, la différence entre la plaine et la montagne en matière du climat se faisait sentir. Plus on montait, plus le climat devenait doux. Cette ascension se termine par un étrange et agréable sentiment de passer d'un monde à un autre. «De l'enfer au paradis», dirait-on. Et cela s'opère en l'espace d'une vingtaine de minutes seulement. La station climatique de Tikjda, perchée à plus de 1400 m d'altitude, offre encore à ses visiteurs plus de chances de séjourner agréablement en haute montagne. Le paysage est féerique et le climat tempéré et tolérant. C'est le seul endroit à travers toute la wilaya où l'on peut se sentir mieux, loin du vacarme assourdissant des villes. À notre arrivée, la station de Tikjda ne grouillait pas de monde. On dirait que les gens ne pouvaient même pas quitter leur chez-soi, tellement c'était la fournaise, pour venir en masse se rafraîchir à l'ombre des cèdres. À Tighzert, à quelques encablures du Centre national des sports et loisirs, quelques familles se sont installées sur l'herbe encore verdoyante. Une ambiance bon enfant y règne. À ce moment précis, et quelque part en ville, les gens suffoquent sous une chaleur caniculaire. Mais dans les bras du majestueux Djurdjura, le corps et l'âme ne se plaignent guère. Et pour que ce «nirvana» soit accompli, il suffit de se laisser bercer par la magie des lieux aux mille histoires. Sous l'ombre des cèdres millénaires, le caractère presque désertique de toutes les villes de la wilaya de Bouira peut facilement s'oublier. Cependant, cet éden qui faisait, il y a quelques années, le bonheur des randonneurs et visiteurs de tout le pays et même étrangers a beaucoup perdu de son insaisissable beauté. Tout le monde se souvient des campeurs qui ne rataient jamais l'occasion d'y passer plusieurs jours. Toutes ces belles et fastes années ont laissé place à une disette touristique sans précédent. La décennie noire a fait fuir les touristes de Tikjda. Il a fallu presque une décennie pour qu'une volonté d'y retourner soit affichée, avec la réhabilitation et la réouverture de l'hôtel. L'homme, cet agresseur de la nature Les amoureux du Djurdjura redécouvrent alors Tikjda mais sous un autre visage, celui d'une station touristique qui a su préserver certaines de ses attirances mais qui ne peut pas être enchanteresse comme elle l'était dans les années 70, 80. Il est évident que les choses ont beaucoup changé ces dernières années. Une chose semble de plus en plus évidente. Il n'y a pas une bonne volonté consistant à relancer cette station. Si les pouvoirs publics voulaient vraiment redonner un souffle à Tikjda, ils auraient pensé à promouvoir avant tout les sports de montagne et la préservation de l'environnement. La station de Tikjda qui se situe au cœur du Parc national du Djurdjura (PND), lequel est protégé par des lois internationales, ne cesse de se dégrader. Outre les paysages édéniques des lieux qui nous ont subjugués le temps d'un après-midi, d'autres images des plus déplorables faisaient partie du décor. De ce fait, il faut avouer que la station climatique de Tikjda, avec tout ce qu'elle peut offrir à l'homme, ce dernier demeure insensible et ingrat. Décidément, la nature possède autant d'amis que d'ennemis. Malgré les panneaux interdisant aux gens de jeter les déchets n'importe où et leur demandant d'avoir un comportement correct vis-à-vis des espèces animales, que les services du parc avaient plantés partout, certains visiteurs indélicats agressent l'environnement. Lors de notre dernière virée, la première chose qui a attiré notre attention c'était les canettes de bière qui jonchaient le sol. Cela est devenu un phénomène. À quelques kilomètres avant d'arriver à la station, les gens qui viennent se rafraîchir en buvant de la bière laissent tous leurs déchets sur place. Même scénario à Tighzert, Assouel et à d'autres endroits où l'homme, destructeur de la nature par excellence, peut accéder. Des sachets de toutes les couleurs envahissent les lieux. À cela s'ajoute la nuisance sonore. Les automobilistes mettent la musique à fond et klaxonnent à force décibels et ignorent que ce bruit agresse les espèces animales de la réserve. Il en est ainsi de ceux qui lavent leur voiture auprès des sources d'eau de Tikjda, ce qui est pourtant strictement interdit. Toutefois, face à l'incivisme du citoyen, les services concernés ne font que reproduire le même comportement, c'est-à-dire ne rien faire pour sauvegarder l'environnement. Etant le seul endroit qui pourrait faire oublier aux Bouiris la fournaise estivale, Tikjda attend toujours un plan de sauvetage. Un vrai, pour en finir définitivement avec le «replâtrage» qui s'est érigé en règle de gestion. Si les pouvoirs publics ne mettent pas en place une stratégie pour sauver Tikjda et son environnement, il y a un risque de la perdre. Au moment où les pays du monde entier investissent dans la protection de la nature, en Algérie, les services concernés continuent à faire semblant d'agir. La preuve : l'environnement est en nette dégradation.