Au moins cinq blessés ont été enregistrés hier, lors d'affrontements entre les forces de l'ordre et les habitants de la cité Bois des Pins, à Hydra, sur les hauteurs d'Alger. En début de matinée, les résidents ont été surpris par la présence inhabituelle d'un grand nombre de policiers antiémeute qui encadraient rigoureusement le quartier. Et pour cause. Des engins excavateurs ont commencé, très tôt le matin, à déblayer le terrain qui va servir à la construction d'un centre commercial et d'un parking à étages, dont on ignore d'ailleurs les promoteurs. L'assiette foncière réservée à l'édifice en question se trouve dans les entrailles mêmes de la cité, qui plus est à l'emplacement d'une forêt centenaire. Cette mainmise sur un des rares patrimoines forestiers de la capitale encore debout a soulevé une vive contestation de la part des habitants du Bois des Pins, qui ne cessent depuis des semaines de protester contre le lancement des travaux. Les affrontements ont éclaté lorsque les éléments de la police antiémeute ont voulu assiéger les immeubles attenants au terrain. Les jeunes du quartier se sont alors regroupés et ont riposté en bloquant l'accès principal de la cité avec des objets hétéroclites. S'ensuivent alors des échanges de projectiles entre les deux camps. «Les policiers nous ont tiré dessus avec des armes à balles en caoutchouc, ces tirs n'étaient pas du tout sporadiques, car ils visaient les manifestants», déplorent les résidents, qui ajoutent : «Par la suite, les forces de l'ordre ont assailli les immeubles. Ils ont défoncé des portes et se sont introduits de force dans les logements. Nous avons essuyé des insultes, des crachats et nous nous sommes fait tabasser à l'intérieur de nos appartements, devant nos enfants.» Pris de panique, la plupart des habitants se sont retranchés chez eux ; certains ont même barricadé la porte d'entrée de leur habitation avec des meubles et des chevrons. Cela n'a pas pour autant empêché les policiers en faction de lancer un véritable assaut contre les résidents. «Cette incursion musclée est digne d'une scène de guerre. Les policiers ont fait preuve d'une rare violence. Nous en sommes marqués à vie», lance un père de famille dont la mère a été sérieusement affectée. «Prise de panique, ma mère a perdu l'usage de ses deux jambes. Depuis qu'elle a vu les policiers défoncer la porte de l'appartement, sa santé ne cesse de se détériorer», dit ce père de famille en larmes. Les habitants de la cité du Bois des Pins, dont il ne subsiste que l'appellation, dénoncent le comportement brutal des policiers qui se sont non seulement permis de pénétrer dans des appartements occupés par des femmes seules, mais aussi de lancer des injures et des vulgarités en direction de femmes et d'enfants. Aussi, ils déplorent les dégradations commises par ces derniers au niveau des espaces communs des immeubles. «Ils ont cassé toutes les boîtes aux lettres et déchiré le courrier des résidents», témoignent les habitants. A partir de 11h, un calme précaire s'installe graduellement dans la cité, libérant les ruelles du quartier de leurs occupants ; le vide laissé par la foule laisse apparaître la chaussée parsemée de douilles de cartouches, qui témoignent de l'arsenal utilisé contre les riverains. Toutefois, la présence d'un grand nombre de policiers en civil dans les rues attenantes au bois, ainsi que d'autres en uniforme au niveau des balcons communs aux immeubles et sur les terrasses, pourrait mettre le feu aux poudres. «Le fait que ces policiers circulent librement dans les espaces communs des bâtiments est un signe provocateur», déclarent à l'unanimité les résidents, qui attendaient, jusqu'en début d'après-midi, le retour incertain de trois de leurs voisins qui doivent comparaître devant le tribunal de Bir Mourad Raïs pour des faits les mettant en cause dans ce mouvement de protestation.